La Cour de cassation a rendu le 19 juin 2019 une décision très importante dans le domaine du droit douanier. En effet, par cette décision la Chambre commerciale apporte des précisions très importante concernant les éléments constitutifs de la valeur en douane.

La valeur en douane permet d'établir la valeur économique réelle des marchandises importées. A l'importation, comme à l'exportation, les déclarations de douane doivent comporter l'indication de la valeur des marchandises auxquelles elles se rapportent. L'Union européenne détermine les règles de détermination de la valeur en douane. Ainsi, la valeur en douane permet de calculer, l'assiette des droits de douane, mais également celle de la TVA et de la plupart des autres droits et taxes, dus en raison de l'importation.  

La prise en compte des commissions payées dans la détermination de la valeur en douane

La Cour de cassation précise les éléments constitutifs de la valeur en douane. Pour cela, elle se fonde sur l'article 32 a) du Code des douanes communautaires (devenu articles 70 et 71 du Code des douanes de l'Union). Selon cet article, la valeur en douane comprend en plus du prix de la marchandise, les commissions et frais de courtage à l'exception des commissions d'achat.

"Mais attendu, en premier lieu, qu’après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, d’un côté, qu’il résulte de l’article 32 a) du code des douanes communautaire que la valeur en douane comprend, en plus du prix de la marchandise, les commissions et frais de courtage à l’exception des commissions d’achat, de l’autre, que l’administration des douanes n’avait pas considéré que les commissions payées par la société Bella à ses intermédiaires étaient des commissions d’achat, l’arrêt retient exactement que ces commissions devaient être prises en compte dans la détermination de la valeur en douane des chaussures importées de Chine, peu important que l’administration des douanes les ait qualifiées de compléments de prix dans son avis de résultat d’enquête puis, en réponse aux observations de la société Bella, de commissions à la vente ; "

Respect des principes du contradictoire et des droits de la défense suite à la communication d'un avis de résultat d'enquête

La Cour de cassation confirme le cadre procédural découlant d'un avis de résultat d'enquête. Ainsi, elle réaffirme la possibilité pour la société destinataire de cet avis de résultat d'enquête de pouvoir formuler des observations. Ainsi, la société doit formuler ses observations dans un délai de 30 jours. Par ailleurs, le fait que l'administration des douanes ait réitéré à l'entreprise ses observations complémentaires, à la suite de la notification du procès-verbal d'infraction n'entraîne pas l'irrégularité de la procédure.

"Attendu, en deuxième lieu, que l’arrêt constate que préalablement à la notification du procès-verbal d’infraction, le 31 mai 2012, l’administration des douanes a, conformément à l’article 67 A du code des douanes, adressé à la société Bella, le 22 février 2012, un avis de résultat d’enquête l’invitant à faire connaître ses observations dans un délai de 30 jours, ce que celle-ci a fait le 20 avril 2012 ; que de ces constatations, la cour d’appel a pu déduire, nonobstant la décision de l’administration des douanes de recueillir, postérieurement à la notification du procès-verbal d’infraction, des observations complémentaires de la société Bella, que les principes du contradictoire et des droits de la défense avaient été respectés et que la procédure suivie à l’encontre de la société Bella était régulière ;

Et attendu, en troisième lieu, que, la cour d’appel ayant retenu à juste titre que la communication des droits avait été effectuée par le procès-verbal de notification d’infraction du 31 mai 2012, et relevé, par une appréciation exclusive de dénaturation, qu’elle avait été précédée, le 7 mars 2012, d’une inscription de la dette douanière dans le logiciel comptable dédié, en a exactement déduit que cette communication était régulière ;"

La régularité de cette procédure peut entraîner des conséquences sur le recouvrement de la dette douanière. En effet, le recouvrement de la dette douanière est possible seulement si la procédure de notification est régulière.

                                          Le recouvrement de la dette douanière

La Cour de cassation apporte des précisions importantes concernant le régime juridique d'une dette douanière. En l'occurrence, il s'agit de celle relevant d'une fausse déclaration à l'importation. Ainsi, l'infraction douanière de fausse déclaration à l'importation constitue une contravention. La sanction de cette contravention est une amende de 150 à 1500 euros. En outre, cette infraction douanière relève du tribunal de police. Enfin, elle précise que lorsque cette infraction douanière fait naître une dette douanière; celle-ci peut-être communiqué au débiteur après l'expiration du délai de trois ans.

"Mais attendu que l’arrêt relève que l’infraction douanière reprochée à la société Bella constitue la contravention de fausse déclaration à l’importation ayant pour effet d’éluder les droits et taxes, punie d’une amende de 150 à 1 500 euros et passible de poursuites devant le tribunal de police, et que l’article 221, paragraphe 4, du code des douanes communautaire prévoit que lorsque la dette douanière résulte d’un acte passible de poursuites judiciaires répressives, sa communication au débiteur peut être effectuée après l’expiration du délai de trois ans prévu par le paragraphe 3 du même article, dans les conditions prévues par les dispositions en vigueur ;"

L'interruption de la prescription de la dette douanière par la notification d'un proçès-verbal de douane

La Cour de cassation précise que:

"qu’il retient, à juste titre, que ces derniers termes opèrent un renvoi au droit national pour le régime de la prescription de la dette douanière, de sorte qu’en application de l’article 354 du code des douanes, aux termes duquel la prescription est interrompue par la notification d’un procès-verbal de douane, le délai de trois ans avait été interrompu par les procès-verbaux notifiés par l’administration des douanes entre le 20 mai 2009 et le 31 mai 2012 ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel a retenu à bon droit que l’action en recouvrement de la dette douanière de la société Bella n’était pas prescrite; que le moyen n’est pas fondé ;"

                                     La définition du commissionnaire à la vente

La Cour de cassation apporte des précisions sur la notion de commissionnaire à la vente. Pour cela, elle s'appuie notamment sur la note explicative 2.1 de l'Organisation mondiale des douanes (OMD).

"Mais attendu que l’arrêt, par motifs propres et adoptés, énonce que la note explicative 2.1 de l’Organisation mondiale des douanes définit le commissionnaire à la vente comme une personne qui agit pour le compte d’un vendeur, qui recherche des clients, recueille des commandes et, éventuellement, assure le stockage et la livraison des marchandises ;

En outre elle clarifie par la suite la distinction entre commissionnaire à la vente et commissionnaire à l'achat. En effet, cette distinction entraîne des conséquences juridiques différentes.

La distinction entre commissionnaire à la vente et commissionnaire à l'achat lors de la détermination de la valeur en douane

La Cour de cassation apporte des précisions sur la distinction entre le commissionnaire à la vente et à l'achat. Bien qu'ayant des fonctions presque similaires, leurs fonctions entraînent ainsi des conséquences juridiques différentes. En effet, le commissionnaire à la vente supporte un risque, ce qui n'est pas le cas du commissionnaire à l'achat. Ce risque est notamment d'ordre financier.

"qu’il relève que les commissionnaires auxquels a eu recours la société Bella ont démarché celle-ci, ont été dans certains cas choisis par les fabricants chinois, lesquels, n’ayant pas le droit d’exporter eux-mêmes leurs marchandises, avaient nécessairement besoin d’eux et ne pouvaient se permettre d’attendre la désignation de commissionnaires à l’achat par leur cliente ; [...] que les commissionnaires en cause facturent le prix des chaussures en leur nom, encaissent les virements et perçoivent une commission exprimée en pourcentage du nombre et du prix des chaussures vendues ; qu’il relève encore que les contrats de commissions stipulent que la société Bella s’engage à honorer les commandes passées auprès des fournisseurs présentés par le commissionnaire, conformément à ses conditions de vente ; qu’il retient que ces commissionnaires, qui achètent les marchandises sur leurs fonds propres, prennent des risques dans les opérations concernées alors qu’un commissionnaire à l’achat n’assume aucun risque financier ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations souveraines, exclusives de dénaturation, la cour d’appel, qui a effectué la recherche invoquée à la première branche, a pu retenir que les commissions en cause étaient des commissions à la vente ; que le moyen n’est pas fondé ;"

Au travers de cette décision, la Cour de cassation apporte des précisions importantes dans le domaine du droit douanier. En effet, elle apporte notamment des précisions sur la question de la valeur en douane.