La Cour d’appel de Rennes rappelle que l’essence du contrat, c’est la rencontre des volontés des parties.
Un constructeur met fin au contrat de son distributeur agréé au motif de la violation de l’exclusivité concédée aux revendeurs du réseau et soumise à une clause de résiliation de plein droit.
Alléguant une rupture brutale et abusive de leurs relations commerciales, le distributeur évincé saisit le Juge des référés aux fins d’obtenir la condamnation du constructeur à poursuivre l’exécution du contrat sous astreinte.
Le Juge des référés fait droit à la demande en assortissant son ordonnance d’une lourde astreinte mais la Cour d’appel de Paris infirme cette décision considérant que les conditions de la mise en œuvre de la clause résolutoire étaient bien acquises au stade du référé.
La Cour de cassation rejettera le pourvoi du distributeur en ces termes (Cass. com. 4 décembre 2019, n°19-13394) :
Mais attendu qu'après avoir relevé que le contrat stipulait que chaque partie pourrait le résilier immédiatement et de plein droit, sans mise en demeure préalable, en cas de vente de produits par le distributeur à un revendeur ou à une personne ou société dont l'activité serait équivalente à la revente, à moins qu'il ne s'agisse de membres du réseau de distribution des produits A.../K.../DS/E, agréés pour les revendre, l'arrêt constate que les concédantes ont notifié à la société M., par une lettre signée le 14 novembre 2018 par le représentant des sociétés Automobiles K... et Automobiles A..., la résiliation immédiate du contrat au motif que le distributeur, après avoir été mis en demeure le 25 juillet 2018, avait persisté à vendre des pièces de rechange à la société Z, laquelle est une société de revente hors réseau de distribution, dont l'activité principale et déclarée est le négoce de ces pièces à grande échelle ; qu'ayant déduit de ces constatations qu'étaient réunies les conditions requises pour la mise en oeuvre de la clause résolutoire de plein droit, et que, dès lors, la société M. ne pouvait invoquer l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite qui résulterait de l'application de cette clause, c'est à bon droit et sans dénaturer le contrat litigieux que la cour d'appel, qui a procédé à la recherche invoquée par la deuxième branche et qui n'était tenue de procéder ni à celles invoquées par les première et troisième branches, qui ne lui étaient pas demandées, ni à celle invoquée par la quatrième branche, que ses constatations et appréciations rendaient inopérante, a retenu qu'ordonner la reprise, même provisoire, d'un contrat résilié de plein droit n'entrait pas dans les pouvoirs du juge des référés ; que le moyen n'est pas fondé ;
Constructeur et distributeur vont toutefois s’accorder sur une période de discussions d’un mois pour tenter de trouver un accord. Pendant ce délai, les livraisons vont se poursuivre.
Aucun accord n’ayant pu aboutir, le distributeur prend alors l’initiative d’une procédure de sauvegarde et, dès son ouverture, l’administrateur judiciaire va saisir le Juge commissaire d’une requête fondée sur les dispositions de l’article L 622-13 du Code de commerce à l’effet d’exiger la poursuite des relations contractuelles.
La position du distributeur et de son administrateur repose sur le fait qu’en ne cessant pas les livraisons au jour du prononcé de la décision de la Cour d’appel de Paris qui, d’exécution immédiate, avait constaté la validité de la résiliation du contrat, les parties avaient implicitement mais nécessairement noué une nouvelle relation contractuelle laquelle devait donc être poursuivie pendant toute la durée de la procédure.
Le premier juge a suivi cette argumentation.
La Cour d’appel de Rennes infirme cependant sa décision au motif que :
« Les Sociétés Automobiles K. et A. [constructeur] n’ont à aucun moment, par le seul fait de la poursuite des relations de distribution, eu l’intention de conclure un nouveau contrat à durée indéterminée et aux conditions du contrat précédemment résilié. Dès le lendemain de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, elles ont fait savoir que la poursuite des livraisons n’était que provisoire, d’une durée maximale d’un mois (…).
En acceptant de poursuivre les relations dans le cadre ainsi fixé par les sociétés Automobiles K. et A., la société M. [distributeur] en a accepté les conditions y compris de durée d’un mois (…). Le simple fait que les relations n’aient pas cessé immédiatement aux date et heure de l’arrêt de la Cour d’appel ne saurait valoir, sans manifestation claire de volonté de la part des 2 parties, conclusion d’un nouveau contrat entre les parties d’une durée indéterminée et encore moins aux conditions du contrat qui avait été résilié (…). La poursuite de ces livraisons ne constitue pas la volonté commune des parties de conclure une nouvelle convention verbale sans durée définie mais uniquement de façon momentanée et précaire pour favoriser l’aboutissement d’un accord ».
Il apparait ainsi qu’aucun contrat en cours n’existait au jour de l’ouverture de la procédure de sauvegarde. Et il ne pouvait alors être demandé au constructeur d’en poursuivre l’exécution.
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