LES BAREMES EN DROIT DU TRAVAIL

I LE BAREME DE CONCILIATION

Lorsque le salarié conteste son licenciement au conseil de prud'hommes , il peut mettre fin au litige dès la procédure de conciliation, en accord avec l'entreprise qui l'a licencié.

Le salarié licencié perçoit alors une somme appelée indemnité forfaitaire de conciliation.

Issu de la loi du 14 juin 2013, l’article L1235-1 du code du travail dispose que « En cas de litige, lors de la conciliation prévue à l’article L. 1411-1, l’employeur et le salarié peuvent convenir ou le bureau de conciliation et d’orientation proposer d’y mettre un terme par accord. Cet accord prévoit le versement par l’employeur au salarié d’une indemnité forfaitaire dont le montant est déterminé, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles, en référence à un barème fixé par décret en fonction de l’ancienneté du salarié. »

Un décret du 23 novembre 2016 N° 2016-1582 nous livre le barème. Il figure à l’article D 1235-21 du code du travail

Le barème mentionné au premier alinéa de l'article L. 1235-1 est défini comme suit :

-deux mois de salaire si le salarié justifie chez l'employeur d'une ancienneté inférieure à un an
-trois mois de salaire si le salarié justifie chez l'employeur d'une ancienneté au moins égale à un an, auxquels s'ajoute un mois de salaire par année supplémentaire jusqu'à huit ans d'ancienneté ;
-dix mois de salaire si le salarié justifie chez l'employeur d'une ancienneté comprise entre huit ans et moins de douze ans ;
-douze mois de salaire si le salarié justifie chez l'employeur d'une ancienneté comprise entre douze ans et moins de quinze ans ;
-quatorze mois de salaire si le salarié justifie chez l'employeur d'une ancienneté comprise entre quinze ans et moins de dix-neuf ans ;
-seize mois de salaire si le salarié justifie chez l'employeur d'une ancienneté comprise entre dix-neuf ans et moins de vingt-trois ans ;
-dix-huit mois de salaire si le salarié justifie chez l'employeur d'une ancienneté comprise entre vingt-trois ans et moins de vingt-six ans ;
-vingt mois de salaire si le salarié justifie chez l'employeur d'une ancienneté comprise entre vingt-six ans et moins de trente ans ;
-vingt-quatre mois de salaire si le salarié justifie chez l'employeur d'une ancienneté au moins égale à trente ans.

Le montant de cette indemnité est calculé à partir de la rémunération brute perçue par le salarié.  

Il faut être attentif au libellé de l’article L 1235-1 du code du travail puisque seuls les litiges relatifs à un contrat à durée indéterminée sont concernés.

Surtout l’article L.1235-1, alinéa 2 du Code du travail dispose que « Le procès-verbal constatant l’accord vaut renonciation des parties à toutes réclamations et indemnités relatives à la rupture du contrat de travail prévues au présent chapitre ».

Dès lors que les parties concilient, plusieurs avantages en sont tirés  

Il sera rappelé l’article 80 duodecies du code général des impôts avant d’évoquer les avantages

1. Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve des dispositions suivantes.

Ne constituent pas une rémunération imposable :

1° Les indemnités mentionnées aux articles L. 1235-1, L. 1235-2, L. 1235-3, L. 1235-3-1, L. 1235-11 à L. 1235-13, au 7° de l'article L. 1237-18-2 et au 5° de l'article L. 1237-19-1 du code du travail ainsi que celles versées dans le cadre des mesures prévues au 7° du même article L. 1237-19-1 ;

2° Les indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 1233-32 et L. 1233-61 à L. 1233-64 du code du travail ;

3° La fraction des indemnités de licenciement versées en dehors du cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 1233-32 et L. 1233-61 à L. 1233-64 du code du travail, qui n'excède pas :

a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date du versement des indemnités ;

b) Soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ;

4° La fraction des indemnités de mise à la retraite qui n'excède pas :

a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de cinq fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date du versement des indemnités ;

b) Soit le montant de l'indemnité de mise à la retraite prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ;

5° (Abrogé)

6° La fraction des indemnités prévues à l'article L. 1237-13 du code du travail versées à l'occasion de la rupture conventionnelle du contrat de travail d'un salarié, ainsi que la fraction des indemnités prévues aux articles 3 et 7-2 de l'annexe à l'article 33 du Statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie versées à l'occasion de la cessation d'un commun accord de la relation de travail d'un agent, lorsqu'ils ne sont pas en droit de bénéficier d'une pension de retraite d'un régime légalement obligatoire, qui n'excède pas :

a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date de versement des indemnités ;

b) Soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel, par le Statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie ou, à défaut, par la loi.

Le présent 6° est applicable aux indemnités spécifiques de rupture conventionnelle versées en application du I de l’article 72 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique et de l’article L. 552-1 du code général de la fonction publique.

2. Constitue également une rémunération imposable toute indemnité versée, à l'occasion de la cessation de leurs fonctions, aux mandataires sociaux, dirigeants et personnes visés à l'article 80 ter. Toutefois, en cas de cessation forcée des fonctions, notamment de révocation, seule la fraction des indemnités qui excède trois fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale est imposable.

1/ exonération de cotisation , de CSG et CRDS

Ce barème de conciliation est intéressant pour les salariés, notamment les cadres qui perçoivent un salaire important et d’autant plus lorsqu’ils disposent d’une grade ancienneté.

L’indemnité forfaitaire de conciliation prud’homale conforme au barème fixé par l’article D.1235-21 du code du travail n’est pas soumise au forfait social car elle est totalement exonérée de cotisations, de CSG et de CRDS.

En revanche, l’indemnité de conciliation n’étant pas expressément visée parmi les indemnités de rupture exclues de l'assiette du forfait social, elle doit donc être soumise, pour la part excédant le barème fixé à l’article D. 1235-21 du code du travail, au forfait social sur la fraction exclue de l'assiette des cotisations et soumise à la CSG et à la CRDS.

La conciliation permet de s’affranchir de la limite d’exonération fiscale de 2 PASS soit 2 X 41 136 € ce qui représente 82 272 euros

2/ Exonération de la carence en matière de chômage

Ce barème permet également de s’exonérer de la carence en matière de chômage.

l’indemnité transactionnelle versée dans le cadre de l’article L. 1235-1 devant le bureau de conciliation du Conseil de prud’hommes, dans la limite du barème de l’article D. 1235-21, permet d’éviter que cette somme ne soit prise en compte dans la détermination du délai de carence.

Lorsque l’indemnité forfaitaire de conciliation correspond à un montant inférieur ou égal aux montants prévus par ce barème en fonction de l’ancienneté du salarié, elle est exclue de l’assiette de calcul du différé spécifique

Les décrets n° 2019-797 du 26 juillet 2019 et le décret n° 2021-1251 du 29 septembre 2021 prévoient cette exclusion

La fiche 4 de la Circulaire UNEDIC n° 2021-13 du 19 octobre 2021 précise la liste des indemnités exclues de l’assiette de calcul du différé.

3/ exonération des impôts sur le revenu

Ce montant de l‘indemnité de conciliation peut être intégralement exonéré d’impôt. Cette exonération est totale dans la limite du barème.

Si le salarié perçoit une indemnité de conciliation supérieure au barème, la fraction excédant ce barème sera soumise à impôt.

II les modalités

Comment en bénéficier

Il faut que les parties comparaissent devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes

Cependant il arrive que certains contentieux soient portés directement devant le bureau de jugement comme une prise d’acte, une requalification CDD en CDI avec les conséquences sur la rupture etc.

Le Bureau de jugement a la possibilité de se réunir en formation de conciliation, notamment pour homologuer d’éventuels PV de conciliation cependant certains conseil de prud’hommes s’y refusent d’une part et d’autre part certains organismes dont surtout Pôle Emploi estiment que cette procédure n’entre pas dans le cadre des dispositions des articles L.1235-1 et D.1235-21 du Code du travail.

Dès lors il est recommandé de saisir le conseil de prud’hommes pour passer devant le bureau de conciliation.

La présentation volontaire des parties prévues à l’article R.1452-1 du Code du travail n’est pas toujours bienvenue et dès lors il faut aviser le greffe préalablement afin de convenir d’une date. Ensuite une requête est déposée mentionnant clairement la demande d’homologation de l’accord intervenu. 

Il est même possible de se présenter devant un conseil de prud’hommes territorialement incompétent.

Il faut toutefois vérifier les conditions et modalités auprès de chaque conseil de prud’hommes afin de bénéficier de ces avantages

III Quel est le sort des demandes relatives à l’exécution du contrat

Selon l’article L 1235-1 du Code du travail, le procès-verbal de conciliation emporte renonciation des parties « à toute réclamation et indemnités relatives à la rupture du contrat de travail prévues au présent chapitre »,

En conséquence l’indemnité forfaitaire de rupture n’aura pas pour objet de se substituer à des demandes relatives à l’exécution du contrat comme des rappels de salaires, de prime etc.

Ainsi le procès-verbal de conciliation signés par les parties n’empêche pas le salarié pourrait saisir le Conseil de Prud’hommes pour formuler des demandes relatives à l’exécution du contrat de travail.

Dès lors si l’intention des parties est de régler définitivement le différend, il est préférable d’envisager une transaction complémentaires sur les demandes relatives à l’exécution du contrat.

Il est nécessaire tant pour l’employeur que le salarié de mesurer les conséquences de la signature d’un procès-verbal de conciliation

 

II LES BAREMES DE RUPTURE L 1235-3 DU CODE DU TRAVAIL

L’article L. 1235-3 du Code du travail fixe les indemnités dues par l’employeur pour un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous.

Ancienneté du salarié dans l'entreprise

(en années complètes)


Indemnité minimale

(en mois de salaire brut)


Indemnité maximale

(en mois de salaire brut)


0


Sans objet


1


1


1


2


2


3


3,5


3


3


4


4


3


5


5


3


6


6


3


7


7


3


8


8


3


8


9


3


9


10


3


10


11


3


10,5


12


3


11


13


3


11,5


14


3


12


15


3


13


16


3


13,5


17


3


14


18


3


14,5


19


3


15


20


3


15,5


21


3


16


22


3


16,5


23


3


17


24


3


17,5


25


3


18


26


3


18,5


27


3


19


28


3


19,5


29


3


20


30 et au-delà


3


20

En cas de licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les montants minimaux fixés ci-dessous sont applicables, par dérogation à ceux fixés à l'alinéa précédent :


Ancienneté du salarié dans l'entreprise

(en années complètes)


Indemnité minimale

(en mois de salaire brut)


0


Sans objet


1


0,5


2


0,5


3


1


4


1


5


1,5


6


1,5


7


2


8


2


9


2,5


10


2,5

Pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, à l'exception de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9.

Ainsi et dorénavant selon le texte et depuis le 17 septembre 2022,  l’indemnisation en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être comprise entre un plafond et un plancher, en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise mais aussi de l’effectif de l’entreprise.

Ces barèmes sont controversés

La Cour de cassation s’est prononcée par deux avis rendus le 17 juillet 2019 aux termes desquels elle considérait que le barème prévoyait « une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée » en cas de licenciement injustifié.

Malgré ces avis, plusieurs Cours d’appel avaient permis une dérogation par une appréciation in concreto du préjudice.

Par deux arrêts rendus le 11 mai 2022, la Chambre sociale de la Cour de cassation a pris position en faveur des barèmes avec une motivation critiquable au regard de la loi internationale ( RG N °21-15.247 et  RG n°21-14.490)

Certains auteurs ont conclu que ces arrêts mettaient fin aux débats alors qu’ils sont contraires à la législation internationale d’une part et d’autre part les juges font état d’une  indemnisation  raisonnable par opposition à la convention OIT qui évoque une indemnisation adéquate. 

L’Organisation Internationale du Travail, dans un rapport du Directeur Général du travail en date du 16 février 2022 souligne qu’avec le barème français « le pouvoir d’appréciation du juge apparaît ipso facto contraint » et « qu’il n’est pas à priori exclu que, dans certains cas, le préjudice subi soit tel qu’il puisse ne pas être réparé à la hauteur de ce qu’il serait « juste » d’accorder ».

La Cour de cassation évoque le caractère raisonnable de l’indemnisation fixée par les barèmes.

Rappelons que ces barèmes visent à réparer un licenciement sans cause réelle et sérieuse c’est-à-dire non fondé.

Les employeurs qui licencient avec une cause réelle et sérieuse ne sont pas condamnés.

Grâce à ces barèmes, l’employeur calcule le coût maximum d’une rupture , il peut se permettre de ne pas respecter la procédure dont la réparation se fond dans l’indemnité servie.

Le résultat reste que les salariés ayant une faible ancienneté se font licencier sans procédure et sans motif, l’employeur sait ce que cela lui coûtera au maximum, ce qui est peu dissuasif.

Le Comité européen des droits sociaux, institution du Conseil de l’Europe chargée de la mise en œuvre de la charte sociale européenne, considère que ce barème est contraire à l’article 24 de la charte sociale européenne, qui prévoit que les Etats parties « doivent reconnaître le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ».

Le Comité considère en effet que l’objectif du barème de dissuader l’employeur n’est pas rempli, car les plafonds d’indemnisation permettent au contraire à l’employeur d’évaluer en avance le coût d’un licenciement.

Le Comité Européen des Droits Sociaux a confirmé que le barème français ne peut assurer une indemnité adéquate, dans sa décision du 23 mars 2022, publiée le 26 septembre 2022  (Décision CEDS à la suite des réclamations N° 160/2018 et 171/2018), Il avait déjà pris cette position pour condamner les barèmes finlandais (CEDS 8 septembre 2016, n° 106/2014, § 45) et italiens (CEDS, 11 septembre 2019, n°158/2017 §87 et s.), réaffirmant sa position cette fois à l’unanimité de ses membres.

La Cour d’appel de DOUAI dans un arrêt rendu le 31 octobre 2022 RG N° 11 /01124 a écarté l’application du barème par une décision particulièrement motivée sur ce point.

Nonobstant ces contestations, il existe des exceptions légales qui écartent les barèmes en cas de licenciement nul (discrimination, harcèlement, violation des droits fondamentaux, etc.) : une indemnité au moins égale à 6 mois de salaire doit être versée. Il n’y a pas de maximum. L 1235-3-1 du code du travail

Ensuite il est possible d’obtenir des indemnisations dans les cas suivants :

  • en cas d’irrégularité de la procédure : une indemnité forfaitaire égale à 1 mois de salaire doit être versée, elle n’est pas cumulable avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
  • en cas de licenciement vexatoire par exemple qui accorde un paiement de dommages et intérêts au titre d’un préjudice distinct
  • toutes autres demandes de dommages intérêts liées à l’exécution du contrat  

 

Nathalie BAUDIN VERVAECKE