COVID-19 ET LOYERS COMMERCIAUX
Le président de la République a annoncé lundi 16 mars 2020 le report du paiement des loyers, factures d’eau, de gaz et d’électricité pour les plus petites entreprises en difficulté.
Ces annonces sont désormais concrétisées dans l’ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie de covid-19
Comment comprendre ce texte
1°) En premier lieu, et déjà, il ne concerne que certaines catégories d’entreprises et personnes physiques sous réserve de remplir deux critères cumulatifs.
- S’agissant des entreprises, seules les TPE sont concernées.
Rappelons que, suite à la loi de modernisation de l’économie (loi dite LME), on distingue les Très petites entreprises (TPE), des Petite et Moyennes entreprises (PME), des Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI) des Grandes Entreprises.
Les TPE sont celles qui réalisent moins de 2 millions d'euros de chiffre d'affaires par an et emploient moins de 10 salariés.
L’accès à ces données se retrouve sur le site des Greffes des Tribunaux de Commerce (Chiffre d’affaires) et de l’INSEE (Effectifs).
Cela va également concerner certaines personnes physiques (professions libérales , micro-entrepreneurs et indépendants) ayant un chiffre d’affaire inférieur à 1 million d’euros et un bénéfice annuel imposable inférieur à 60.000 euros.
- Ensuite un critère de perte. Les entreprises concernées seront celles qui :
Soit ont fait l’objet d’une fermeture administrative (tels les commerces de détail non indispensables tels les restaurants, commerces de vente au détail, prêt à porter, etc…)
Soit ont subi une perte de 70% de chiffre d’affaires en mars 2020 par rapport à mars 2019.
2°) – En second lieu, seuls les locaux commerciaux et professionnels sont concernés puisque l’ordonnance les vise spécifiquement dans ces termes :
« Article 4
Les personnes mentionnées à l'article 1er ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d'astreinte, d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d'activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du code de commerce.
Les dispositions ci-dessus s'appliquent aux loyers et charges locatives dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai de deux mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée. »
Ce dispositif ne s’applique donc pas :
- aux charges de copropriété ;
- aux loyers d’habitation
En revanche, contrairement aux premières mesures annoncées entre le 17 et le 25 mars, l’ordonnance vise désormais les charges locatives ce qui constitue une différence d’importance.
3°) En troisième lieu, on constate que le système a été affiné et qu’il n’est plus question de distinguer entre les loyers échus et ceux à échoir.
Désormais, le texte interdit aux bailleurs, quels qu’ils soient de faire jouer le jeu de la clause résolutoire, etc….. pour les loyers et charges dues entre le 12 mars 2020 et une période s’achevant deux mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, c’est-à-dire le 24 juillet 2020 (cf. art.4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19).
Autrement dit, le gouvernement n’impose pas de franchise ou de suspension de facto des loyers et charges.
L’ordonnance limite la possibilité de se prévaloir des défaillances des entreprises précitées à de simples actions en recouvrement de loyers et charges arriérés. Seule une action en paiement sera envisageable.
Toute autre mesure plus coercitive est donc, de facto, interdite pour les loyers et charges échues entre le 12 mars et le 24 juillet 2020.
En conséquence, pendant cette période et pour les loyers et charges concernés, il appartiendra aux Bailleurs et Locataires de trouver un consensus.
De fait, les Bailleurs peuvent continuer à quittancer loyers et charge tandis que les locataires (essentiellement TPE , micro entreprises ou indépendants en petite structure) peuvent s’abstenir de les régler sans craindre de conséquences trop néfastes à court terme.
Dans ce contexte, et pour éviter de trop grands décalages de paiement nous ne pouvons que vous conseiller la négociation entre Bailleurs et Preneurs en envisageant par exemple :
- la mise en place systématique de la mensualisation jusqu’à la fin de l’année 2020 ;
- le lissage d’au moins un mois de loyer sur toutes les échéances à venir de mai à décembre 2020.
Il s’agirait ainsi d’un compromis de bon sens.
Nicolas GARBAN
GS ASSOCIES 2 AARPI
Avocat à la Cour
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