Le procès-verbal dressé pour le constat d’une infraction en droit pénal d’urbanisme n’implique pas une information au droit de se taire

Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 29/11/2024, 498358 Mentionné dans les tables du recueil Lebon

En droit pénal de l’urbanisme, les infractions sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés (premier alinéa de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme).

Dans la pratique, il arrive que les procès-verbaux dressés par ces agents reprennent les déclarations de personnes présentes sur le site : utilisateurs du sol, bénéficiaires des travaux, architectes, entrepreneurs ou autres personnes responsables de l’exécution desdits travaux.

Il arrive également que ces mêmes déclarations concourent à ce que ces personnes s’auto-incriminent, ce qui pourra être porté ultérieurement à la connaissance de la juridiction de jugement.

Dans la présente affaire, la question était ainsi posée de savoir si l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme est conforme aux droits et libertés garantis par la Constitution, en tant qu'il ne prévoit pas la notification aux intéressés du droit de garder le silence.

Pour y répondre, le Conseil d’Etat relève tout d’abord que le premier alinéa de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme a « pour seul objet de déterminer les catégories d'agents publics habilités (…) à procéder au constat matériel de certaines infractions en matière d'urbanisme, ainsi que de prévoir que les procès-verbaux qu'ils sont amenés à dresser font foi jusqu'à preuve du contraire ».

En outre, ces procès-verbaux ont vocation à être transmis au ministère public, qui appréciera l’opportunité des poursuites.

Autrement dit, l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme n’organise pas, de manière systématique et obligatoire, une audition de la personne faisant l’objet du constat d’infraction aux règles d’urbanisme.

Cette absence d’audition doit être prise en considération dans la mesure où,  «  (…) dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, les dispositions censurées pour  méconnaissance du « droit de se taire » sont celles qui, sans prévoir l’information de la  personne intéressée de ce droit, organisaient son audition – soit directement par un juge (…) – soit par une autre personne (…), – mais dans tous les cas alors que ses déclarations sont susceptibles d’être portées à la connaissance de la juridiction de jugement.  Or en l’espèce, les dispositions en cause de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme ne prévoient aucun « formalisme particulier » (Cass. Crim. 10 oct. 2006, n° 06.81.841). En particulier, elles ne prévoient pas expressément l’audition de la personne concernée » (conclusions de Monsieur Frédéric PUIGSERVER, Rapporteur public sur Conseil d’Etat, 29 novembre 2024, N° 498358).

Aussi, en l’absence d’audition organisée par l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme, sa mise en œuvre n’implique pas d’information au droit de se taire (Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 29/11/2024, 498358, Mentionné dans les tables du recueil Lebon).

 

Olivier CHEMINET

Avocat