Note sous CA Papeete, terres, n° 64, 10 juin 2021, JCP éd. G, n° 27, p. 1308.

Les litiges fonciers occupent une place considérable dans le contentieux polynésien soit en raison de l’indivision traditionnelle à cause de l’absence de partage depuis des générations, soit en raison de nombreuses actions en prescription acquisitive trentenaire. Dans ce contexte, les conflits de voisinage entre deux propriétaires titulaires d’actes authentiques passent inaperçus.

Celui-ci mérite d’être relevé, toutefois, car la solution rappelée par la Cour d’appel de Papeete en réponse à la demande de bornage judiciaire de propriétés contiguës n’est pas sans intérêt : elle est formulée par l’adage « bornage sur bornage ne vaut ».

La partie appelante soutient que, selon son acte de vente, sa parcelle mesure 30 m du côté plage, alors que le géomètre relève 28,70 m.

Par jugement n° 381/ADD en date du 4 novembre 2019, le Tribunal foncier polynésien a ordonné le bornage de la parcelle en cause.

La Cour d’appel de Papeete lui donne tort car, bien que l'article 646 du Code civil dispose que « Tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës… », « pour pouvoir borner, il faut […] l'absence d'un bornage valable antérieur ». Ainsi, on ne peut procéder au nouveau bornage d'un terrain, lorsqu'un bornage régulier, amiable ou judiciaire, a été précédemment mené à terme. Ce dernier s'impose aux parties « à la condition qu'il soit possible d'en retrouver la trace ».

En l’espèce, il n’est pas contesté que les parcelles limitrophes sont séparées par une palissade en bois, portée par un muret. Or, cette palissade résulte de la demande de construction de l’auteur de la partie appelante. L’auteur de l’intimé avait donné son accord, sous réserve que la haie vive demeure la seule matérialisation de la limite séparative entre les deux fonds.

L'existence de cet accord est confirmée par la non-opposition, des auteurs des deux parties aux limites retenues pour chacune de leur propriété au temps des opérations cadastrales en 1987, à savoir la haie vive.

Ainsi, le bornage amiable, dont la trace évidente ne peut être ignorée de l’appelante - la haie vive étant particulièrement visible - s'impose aux parties.

Pour être classique, cette solution n’en est pas moins importante dans le contexte polynésien, où l’on a tôt fait d’oublier les accords du passé. Il faut se féliciter que la règle s’applique aussi bien dans le cadre d’un accord amiable que dans celui d’une procédure judiciaire.

On notera que la Cour de cassation exige que le bornage initial soit bien conforme aux exigences légales (Cass. civ. 3, 13 nov. 2007, n° 06-18580). L’arrêt rapporté prend soin de préciser qu'un accord amiable était intervenu entre les parties ou leurs auteurs sur les délimitations de leurs propriétés respectives.

Dès lors, la Cour d'appel de Papeete a donné une parfaite base légale à sa décision.