De la nécessité de prouver les difficultés à payer la pension alimentaire et de prendre les mesures qui s’imposent en temps utile. Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 19 janvier 2022, 20-84.287.

Qui dit séparation en présence d’enfant, mineur ou majeur, dit – le plus souvent – pension alimentaire.

En effet, quel que soit l’âge de l’enfant et ses modalités de résidence (principale chez l’un des parents ou en alternance), le Juge aux affaires familiales peut fixer une pension alimentaire à la charge de l’un ou l’autre des parents. 

Le plus souvent à la charge de celui qui n’a pas l’enfant en résidence principale ou qui a une situation financière bien plus favorable en cas d’alternance, sur le fondement de l’article 373-2-2 du Code civil.

Cela vaut également pour certains couples mariés sans enfant (on parle alors de pension alimentaire au titre du devoir de secours).

Cette obligation alimentaire est une obligation civile qui du fait de son importance est également protégée par le Code pénal.

L’article 227-3 du Code pénal prévoit une sanction maximale de 2 ans d’emprisonnement et de 15.000€ d’amende pour le parent qui se soustrait à cette obligation pendant plus de deux mois.

S’agissant d’une infraction de droit commun, elle suppose, pour qu’il y ait condamnation, la réunion de deux éléments :
 

  • Un élément matériel : l’absence de paiement, même partiel, pendant au moins deux mois ;
  • Un élément intentionnel (article 121-3 du Code pénal) : il doit être apporté la preuve par le ministère public que cette absence de paiement est volontaire.


Ainsi, les Tribunaux, faisant usage de leur pouvoir souverain d’appréciation, peuvent estimer que le débiteur de la pension alimentaire non réglée ne s’est pas abstenu volontairement, par exemple : 

- Lorsqu’il est atteint d’une maladie cardiaque l’obligeant à un repos complet, dépourvu de toute ressource et à charge totale d’un parent ;
- Lorsqu’il justifie le non-paiement par une diminution significative de ses revenus et l’accomplissement de démarches judiciaires tendant à voir supprimer la pension alimentaire compte tenu de sa situation de précarité.

Dans l’espèce qui nous intéresse, et qui a donné lieu à l’arrêt du 19 janvier 2022, un masseur-kinésithérapeute tentait de se soustraire à la condamnation pour abandon de famille en faisant valoir son impécuniosité totale, et donc son incapacité absolue à régler les pensions alimentaires mises à sa charge, en arguant notamment de la procédure de sauvegarde de justice qui avait été ouverte à son encontre.

La Cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation par la suite, déclare le prévenu coupable d’abandon de famille en considérant que si le prévenu argue de difficultés financières actuelle établies par la sauvegarde de justice prononcée dans le cadre de son activité libérale, il ne justifie pas sérieusement de son impécuniosité totale aux périodes visées par la poursuite.

Cette solution est compréhensible et conforme à la jurisprudence établie en la matière.
Il appartient à celui qui se prévaut de l’impossibilité totale de régler la pension alimentaire d’en apporter la preuve ; ce qui n’était pas le cas en l’espèce, selon l’appréciation souveraine de la Cour d’appel.

Afin d’éviter de s’exposer à un risque pénal, lequel est également doublé de sanctions financières, il convient d’être diligent pour la personne redevable d’une pension alimentaire dès qu’un changement de situation important la place dans l’impossibilité matérielle d’exécuter son obligation alimentaire, et de saisir le Juge aux affaires familiales afin que la pension alimentaire soit supprimée ou adaptée à sa situation nouvelle.