Article publié sur: Les points de négociation d’une rupture conventionnelle. Par Philippe Prevel, Avocat. (village-justice.com)

 

Il est faux de penser qu’une négociation de rupture conventionnelle se limite à trouver accord de principe et un montant d’indemnité, qui peut être supérieur au minimal légal.
Ce sont certes les 2 principaux éléments.
Ils sont nécessaires, mais pas suffisants dans une bonne négociation.
Il est judicieux d’étendre la négociation à d’autres sujets, surtout en cas de blocage.

Voici une liste non exhaustive des autres éléments de négociation.

1. La date de départ du salarié.

Elle peut être reportée.
La loi fixe seulement un délai minimum, pas de délai maximum.
Les parties peuvent donc choisir de reporter le départ suffisamment longtemps pour assurer le remplacement du salarié, voire sa formation par son prédécesseur, c’est-à-dire le signataire de la rupture conventionnelle.

2. La liquidation ou non des congés.

Ce point est crucial.
Les congés acquis doivent être payés par l’employeur. Ils représentent donc une dette, à acquitter qu’elle que soit la date de rupture du contrat de travail.
L’employeur a généralement intérêt à acquitter cette dette avant la rupture du contrat, c’est-à-dire pendant la procédure de rupture conventionnelle, ce qui présente l’avantage de ne plus faire travailler un salarié qui est, par hypothèse, moins motivé et ne sera plus en poste pour assurer le suivi des projets en cours.
De son côté, si le salarié ne commence pas immédiatement un nouveau contrat de travail, chez un nouvel employeur, il a également généralement intérêt à obtenir le paiement des congés avant la rupture de son contrat de travail, car ses congés non pris décaleraient le début de sa prise en charge par Pôle emploi.
Pour le salarié, mieux vaut donc souvent prendre ses congés pendant la procédure de rupture conventionnelle, pour cesser de travailler plus tôt et être pris en charge par Pôle emploi plus tôt.
Les parties ont donc souvent un intérêt commun à la prise de congés, mais pas toujours, et notamment pas lorsque l’employeur veut que le salarié signataire de la rupture conventionnelle forme sons successeur ou assure la fin d’une mission.

3. La levée ou non de la clause de non-concurrence.

La levée ou non de la clause de non-concurrence peut être prévue dans la rupture conventionnelle.
Il est rare qu’une clause de non-concurrence soit maintenue. Elle est presque toujours levée. Dans les cas où le choix sur l’alternative entre maintien et levée de la clause ne s’impose pas, avec évidence, à l’employeur, ce point mérite d’être négocier.
Pour mémoire, la Cour de cassation a jugé le 26 janvier 2022 que :

« l’employeur, s’il entend renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence, doit le faire au plus tard à la date de rupture fixée par la convention, nonobstant toutes stipulations ou dispositions contraires », ce qui se justifie par « le fait que le salarié ne peut être laissé dans l’incertitude quant à l’étendue de sa liberté de travailler » [1].

4. La conclusion d’une convention annexe.

En pratique, les parties à une rupture conventionnelle peuvent conclure une convention annexe.
Cette dernière sert notamment à :
- Faire reconnaitre par le salarié que des précédents griefs exprimés contre l’employeur étaient finalement infondés ;
- Se mettre d’accord sur le montant du solde de tout compte, ce qui signifie par exemple qu’il n’y a pas d’heures supplémentaires qui seraient dues et donc à payer.

Bref, il s’agit pour l’employeur de "se couvrir" contre un potentiel litige.
Cette convention annexe n’a pas la valeur d’une transaction, mais elle pourra servir en cas de litige, devant le Conseil de prud’hommes.

Pourquoi conclure une telle convention annexe plutôt qu’une transaction ?
Car une transaction suppose que l’employeur verse une somme d’argent en contrepartie d’une renonciation du salarié à intenter un procès. Or, une telle convention annexe ne comporte pas de contrepartie en argent.
Il est donc possible pour l’employeur de conclure une rupture conventionnelle au minimum légal et d’y adosser une convention annexe, pour faire reconnaitre par écrit au salarié, qu’un précédent courrier de dénonciation, par exemple, d’une dégradation des conditions de travail était injustifié.

Implicitement, le salarié aura compris que sans cette convention annexe, l’employeur n’est pas d’accord pour conclure une rupture conventionnelle, notamment parce qu’il estime que le risque de litige est trop important. Pour mémoire, une rupture conventionnelle peut être contestée en raison d’un vice du consentement.
Par exemple, dans un arrêt du 23 mai 2013, la Cour de cassation a approuvé une Cour d’appel d’avoir prononcé la nullité d’une rupture conventionnelle au motif que :

« l’employeur avait menacé la salariée de voir ternir la poursuite de son parcours professionnel en raison des erreurs et manquements de sa part justifiant un licenciement et l’avait incitée, par une pression, à choisir la voie de la rupture conventionnelle » [2].

Une convention annexe à une rupture conventionnelle permet de confirmer que le consentement du salarié est libre et éclairé, c’est-à-dire dépourvu de tout vice.

La négociation d’une convention annexe permet donc d’obtenir un accord de principe et pas seulement de faire varier le montant de l’indemnité.

Autre situation dans laquelle une convention annexe sera préférée à une transaction : si le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle est augmenté, par rapport au minimal légal, mais que l’augmentation paraît dérisoire et insuffisante pour conclure une transaction.
En effet, le montant d’une indemnité transactionnelle doit être suffisamment important pour constituer une contrepartie à la renonciation du salarié à intenter un procès.
Dans un arrêt du 4 novembre 2021, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’employeur, contre un arrêt de Cour d’appel ayant annulé une transaction, au motif que le montant prévu était dérisoire :

« les parties avaient conclu une transaction aux termes de laquelle le salarié s’estimait rempli de ses droits relatifs à l’exécution et la rupture de tous les contrats de travail à durée déterminée dont il reconnaissait le bien-fondé et la régularité, et renonçait notamment à contester la qualification de ces contrats, moyennant le versement de la somme de 500 euros, la cour d’appel a pu décider que la somme stipulée en contrepartie de cette renonciation était manifestement dérisoire » [3].

Si ce montant supra-légal de l’indemnité de rupture conventionnelle est trop faible, la convention annexe à la rupture conventionnelle trouve son intérêt.
On l’aura compris, la négociation d’une rupture conventionnelle ne se limite pas à calculer le montant minimum de l’indemnité due au salarié. De plus, les éléments de négociation commentés ci-dessous ne sont pas exhaustifs. Il y en a d’autres, qui dépendent des situations au cas par cas.

 

Notes de l'article:

[1] Cass. Soc. 26 janvier 2022, 20-15.755, Publié au bulletin.

[2] Cass. Soc. 23 mai 2013, 12-13.865, Publié au bulletin.

[3] Cass. Soc. 4 novembre 2021, 20-16.059, Inédit.