Dans une décision n°492519 en date du 18 décembre 2024 mentionnée aux Tables, le Conseil d’Etat consacre l’existence d’une présomption d’urgence en matière de référé suspension dirigé contre une sanction privant un fonctionnaire de toute rémunération pendant plus d’un mois.
Plus précisément, un fonctionnaire territorial s’est vu infliger une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans, assortie d'un sursis d'un an.
Le fonctionnaire a contesté cette sanction devant le Juge des référés du Tribunal administratif d’Amiens dans le cadre d’un référé suspension régi par l’article L.521-1 du Code de justice administrative.
Pour qu’un tel recours puisse entraîner la suspension de la décision attaquée dans l’attente du jugement au fond, la décision en cause doit créer une situation d’urgence et sa légalité doit être entachée d’un doute sérieux.
Par une ordonnance en date du 26 février 2024, le Juge des référés de première instance a considéré que la condition d’urgence n’était pas satisfaite au motif que le fonctionnaire ne justifiait pas de ce que la privation de son traitement durant douze mois serait de nature à bouleverser ses conditions d'existence et qu’il ne démontrait pas une atteinte suffisamment grave à sa situation.
La requête en référé avait donc été rejetée pour absence d’urgence.
Le fonctionnaire a alors formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat contre cette ordonnance.
Le Conseil d’Etat a tout d’abord dégagé l’existence d’une nouvelle présomption d’urgence en matière de référé suspension.
Il a ainsi jugé qu’ « une mesure prise à l'égard d'un agent public ayant pour effet de le priver de la totalité de sa rémunération doit, en principe, être regardée, dès lors que la durée de cette privation excède un mois, comme portant une atteinte grave et immédiate à la situation de cet agent, de sorte que la condition d'urgence doit être regardée comme remplie ».
Le Conseil d’Etat précise immédiatement que cette présomption d’urgence peut être renversée par l’employeur public s’il « justifie de circonstances particulières tenant aux ressources de l'agent, aux nécessités du service ou à un autre intérêt public (…) ».
Il a ensuite tranché le litige.
Le Conseil d’Etat considère que la condition d’urgence est satisfaite dès lors que « l'administration ne fait état (…) d'aucune circonstance particulière ni d'aucun intérêt public de nature à s'opposer à ce que la condition d'urgence soit regardée comme étant remplie ».
Quant au doute sérieux sur la légalité de la sanction, le Conseil d’Etat estime, en l’état de l’instruction, qu’elle est entachée d’un vice de procédure dès lors que le fonctionnaire « n'a pas été informé de son droit de se taire lors de sa comparution devant le conseil de discipline, alors que ses déclarations étaient susceptibles d'être utilisées à son encontre ».
Au final, le Conseil d'Etat annule l'ordonnance attaquée et suspend la décision de sanction dans l'attente que le Tribunal administratif d'Amiens se prononce au fond.
La décision du Conseil d’Etat est consultable sur Légifrance.
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