La loi n°2005-845 du 26 Juillet 2005, entrée en vigueur au 1er Janvier 2006, dite procédure de sauvegarde a été conçue pour mettre en œuvre les moyens de rétablir l’équilibre social économique et financier des entreprises en difficultés, tout en protégeant le patrimoine des personnes physiques qui ont consenti un cautionnement.

La procédure ainsi mise en place s’apparente à la procédure de redressement judiciaire issue de la loi du 25 Janvier 1985. 

Sans entrer dans le détail technique des dispositions légales, reprenons-en ici les effets principaux  (II) après avoir rappelé les deux conditions qui permettent d’en bénéficier, conditions posées par l’article L 620-1 du Code de commerce (I) :

L’intérêt de la procédure de sauvegarde sur le sort de la caution sera envisagé in fine (III)

 

I - Sur les conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde

Une entreprise éligible à la procédure de sauvegarde est celle qui, sans être en état de cessation des paiements (1) justifie de difficultés qu’elle n’est pas en mesure de surmonter (2)

 

1 -  Etat de cessation des paiements

L’entreprise (au sens large - article L 620-2 §1 du Code de commerce - micro-entrepreneurs - commerçants - artisans - professions libérales - sociétés commerciales ou civiles) qui sollicite l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ne doit pas se trouver en état de « cessation des paiements ».

L’état de cessation des paiements a connu sa première et unique définition légale le 25 Janvier 1985. Elle est visée à présent par les dispositions de l’article L.631-1 du Code de commerce :

« (…) tout débiteur (…) qui, dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements (…) »

Le détail quasi exhaustif de la signification de cette condition est exposé ci-après. 

Plus prosaïquement et pour en simplifier la compréhension, une entreprise est en état de cessation des paiements lorsqu’elle n’est pas en mesure de payer une dette exigible avec sa trésorerie disponible.

Comment peut-on déterminer l’actif disponible ?

L'actif disponible est caractérisé par le droit positif comme étant principalement les sommes en caisse, les soldes créditeurs provisoires des comptes bancaires à vue, les effets de commerce à vue, les réserves de crédit ou les moratoires accordés par les créanciers ayant une créance exigible.

Mais également comme étant l'actif réalisable immédiatement qui correspond, dès lors que leur cession facile et rapide peut être envisagée, par exemple, aux effets de commerce escomptables, aux valeurs mobilières cotées, rapidement réalisables.

Qu’est-ce qu’un passif exigible ?

Le « passif exigible » au sens du droit positif est compris comme étant la partie des éléments du passif du bilan visant les dettes dont le paiement est requis immédiatement.  Il s’agit donc de passif échu et exigible, ces deux conditions étant cumulatives.

Le passif exigible vise par principe les créances de tiers qui sont certaines (celles dont l'existence actuelle est incontestable).

Il a été jugé à cet égard que ne constituent pas des créances certaines celles issues d’une condamnation prononcée en référé, par provision, et dont le sort définitif est subordonné à une instance pendante devant le juge du fond (Com. 25 nov.2008, n°07-20.972 ; Com. 9 févr.2010, n° 09-10.880) ; de même, une injonction de payer frappée d’opposition (Paris 3è ch.31 mars 2009, RGn°08/18321) et un jugement assorti de l’exécution provisoire dont appel a été interjeté (Com. 16 mars 2010, n°09-12.539).

Si la dette est contestée, il doit en être fait abstraction dans l’appréciation de l’état de cessation des paiements (CA. Amiens, Ch éco., 10 Juin 2010, RG n°08/04492).

Les créances doivent également et cumulativement être liquides (dont la valeur est déterminée ou déterminable), et les créances exigibles (celles dont le terme est échu et le règlement immédiatement exigible).

Les créances litigieuses de tiers, c'est-à-dire les créances en cours de contestation, sont donc exclues du champ du passif exigible.

Ainsi, si l’entreprise conteste le bien-fondé d’une dette, cette dernière ne peut faire partie du passif exigible.

De même, si après avoir fait l’objet d’une condamnation judiciaire (ou une astreinte des services de l’URSSAF ou du Trésor Public), l’entreprise a sollicité et obtenu des délais de paiements, elle ne se trouve plus en état de cessation des paiements, à charge pour elle de respecter l’échéancier mis en place.

Elle pourrait donc dans ce cas solliciter l’ouverture d’une procédure de sauvegarde.

 

2 - Difficultés insurmontables

L’entreprise doit connaître des difficultés qu’elle n’est pas en mesure de surmonter.

Ces difficultés peuvent être de tous ordres. Leurs natures seront appréciées par les Tribunaux. 

Il s’agit la plupart du temps de difficultés financières, mais il peut s’agir également de l’indisponibilité du ou des dirigeants conduisant à une désorganisation de l’entreprise, la perte d’un client important etc…

Le Covid 19 a malheureusement provoqué, outre une pandémie sanitaire planétaire, une cascade de problèmes économiques qui seront sans doute les supports faciles des demandes d’ouverture de sauvegarde.

 

II -  Succinctement, sur le déroulement de la procédure

1- Les organes de la procédure

Sont désignés - en principe - par le Tribunal :

  • Un Administrateur judiciaire (sur proposition de l’entreprise)
  • Un Mandataire
  • Un Commissaire-priseur
  • Un Juge Commissaire 

 

2- Leur rôle

  • Globalement, l’Administrateur va se trouver aux côtés de l’entreprise pour l’aider à trouver des solutions de poursuites de son activité, tant aux niveaux stratégique et financier qu’aux niveaux social et économique
  • Le Mandataire recevra les déclarations des créanciers (voir infra) qui devront se manifester auprès de lui (à l’exception des créanciers « revendiquant » qui devront s’adresser à l’Administrateur judiciaire)
  • Le Commissaire-priseur dressera la liste des actifs de l’entreprise
  • Le Juge commissaire est un Magistrat consulaire qui est l’interface entre l’entreprise et le Tribunal, mais également entre l’entreprise et l’Administrateur judiciaire et le Mandataire.

Le Juge commissaire est également une Juridiction à part entière notamment quant aux litiges relatifs aux déclarations de créances.

 

3- Sur le sort des créances antérieures au jugement d’ouverture de la procédure

A partir du moment où l’entreprise fait l’objet du jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde, l’article L 622-7 du Code de commerce interdit au chef d’entreprise (à peine de sanctions pénales) de payer les créances dont l’origine est antérieure audit jugement.

Parallèlement les créanciers de l’entreprise seront paralysés quant aux éventuelles poursuites visant aux recouvrements de leurs créances.

En effet, dès le prononcé du jugement ouvrant la procédure de sauvegarde, toutes les actions tendant au paiement d’une somme d’argent et celles mettant en œuvre des voies d’exécution sont interdites.

L’article L622-21 du Code de commerce dispose que :

"I.- Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant : 

1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; 

2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

II.- Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture. 

III.- Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus."

Les créanciers de l’entreprise ne pourront donc plus, à partir de ce jour, faire valoir leur créance. Cette règle absolue s’applique à tous les créanciers quels qu’ils soient - fournisseurs - prestataires - organismes sociaux - Trésor public etc…

Ils devront donc, conformément aux articles  L 622-24 et R 622-24  du Code de commerce  (sauf exceptions) déclarer leurs créances entre les mains du Mandataire dans un délai de 2 mois (sauf délais exceptionnels) suivant la publication du jugement susvisé au Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales (B.O.D.A.C.C.)

Ces déclarations seront vérifiées par l’entreprise auprès du Mandataire. Comme indiqué précédemment le contentieux qui pourrait s’élever à cet égard serait du ressort du Juge commissaire.

Lorsque les créances ne font plus l’objet de contestations, elles sont admises et figurent sur une liste dressée par le Juge commissaire.

C’est à partir de ce passif qu’un plan de sauvegarde pourra être proposé et admis par le Tribunal au terme de la période d’observation (voir infra).

 

4- Le temps de la procédure (Article L 621-3 du Code de commerce)

La durée de procédure de sauvegarde est en principe de 6 mois renouvelable une fois pour une durée maximale de 6 mois supplémentaires.

Exceptionnellement et à la demande du Parquet, la période d’observation peut être renouvelée une ultime fois pour une durée maximale de 6 mois.

Cependant, il sera noté que la loi ne prévoit aucune sanction quant à un éventuel dépassement de ces délais.

Au terme de cette période, l’entreprise est appelée à proposer une solution de poursuite de son activité (plan d’apurement du passif admis (voir supra - déclarations de créances)  sur 10 annuités au maximum) ou de cession de son entreprise.

Si aucune des solutions proposées ne trouvaient l’assentiment du Tribunal, la liquidation judiciaire de l’entreprise pourrait être prononcée.

 

III - Que devient l’engagement de caution au regard de la procédure de sauvegarde

Lorsque l’entreprise s’adresse aux banques pour obtenir un financement quelconque, il est demandé aux dirigeants et/ou associés ou actionnaires, de garantir les obligations qui sont contractées. 

Les chefs d’entreprises consentent ainsi un cautionnement aux termes duquel ils engagent leur patrimoine personnel.

Dans la mesure où de première part et comme indiqué ci-dessus, les paiements de créances nées avant le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde sont absolument interdits et que de seconde part tous les créanciers sont immobilisés quant à une éventuelle action en recouvrement à l’encontre de l’entreprise défaillante, quel est le risque encouru par les cautions.

Peuvent-elles faire l’objet de poursuites ?

L’article L 622-28 du Code de commerce permet aux cautions - personnes physiques - d’être protégées durant le même temps que l’entreprise.

Ainsi, non seulement pendant la période d’observation mais également pendant toute la durée du plan de poursuite d’activité admis par le Tribunal (durée de 10 annuités maximum), il est rigoureusement interdit au créancier concerné et bénéficiaire du cautionnement de poursuivre le recouvrement des sommes impayées par l’entreprise auprès de la personne physique qui s’est engagée personnellement.

Cette protection est l’une des différences essentielles avec la procédure de redressement judiciaire qui ne protège la caution que pendant la période d’observation

Il s’en évince l’impérieuse nécessité, pour les chefs d’entreprises et dirigeants qui se sont personnellement engagés en qualité de caution, de faire preuve de courage et de clairvoyance pour s’adresser au Tribunal avant l’état de cessation des paiements.

 

 

                                                                                   Richard ARBIB

                                                                                   Avocat à la Cour

 

Maître Richard ARBIB est avocat à Vincennes et intervient depuis plus de trente ans en droit des procédures collectives.