Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 7 mars 2024, 23-12.754, Publié au bulletin :

Dans un arrêt en date du 7 mars 2024, publié au bulletin, la haute juridiction civile affirme que, lorsque l’expropriant a connaissance du décès du propriétaire, survenu avant l’ouverture de l’enquête parcellaire, la seule mention, sur le certificat d’affichage en mairie, de recherches infructueuses pour identifier ses héritiers, est insuffisante pour en caractériser l’existence.

Dans cette affaire, le juge de l’expropriation du département du Var avait rendu, le 30 décembre 2022, une ordonnance d’expropriation, ordonnant le transfert de propriété d’une parcelle, au profit de la métropole Provence Méditerranée. Néanmoins, il convient de relever que le propriétaire de cette parcelle était décédé avant l’enquête parcellaire. Aussi, cette ordonnance visait un certificat du maire attestant de l’affichage en mairie de la notification de l’enquête parcellaire concernant le propriétaire décédé, n’ayant pu être touché.

Un pourvoi en cassation a été formé contre cette ordonnance : les requérantes estimaient que le juge de l’expropriation aurait, en prononçant l’expropriation, violé les articles R.131-6 et R.221-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

  • Aux termes de l’article R.131-6 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, l’expropriant doit notifier individuellement, par lettre recommandé avec demande d’avis de réception, le dépôt du dossier d’enquête parcellaire à la mairie, aux propriétaires du bien exproprié, figurant sur la liste établie conformément à l’article R.131-3 « lorsque leur domicile est connu d’après les renseignements recueillis par l’expropriant ou à leurs mandataires, gérants, administrateurs ou syndics ».

 

Le second alinéa de cet article prévoit qu’en cas de domicile inconnu « la notification est faite en double copie au maire, qui en fait afficher une, et, le cas échéant, aux locataires et aux preneurs à bail rural. ».

 

  • Aux termes de l’article R.131-3, I,  du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, relatif au déroulement de l’enquête parcellaire, l’expropriant adresse au préfet du département un dossier comprenant un plan parcellaire régulier des terrains et bâtiments mais aussi «  la liste des propriétaires établie à l'aide d'extraits des documents cadastraux délivrés par le service du cadastre ou à l'aide des renseignements délivrés par le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques, au vu du fichier immobilier ou par tous autres moyens. »

 

  • Il ressort des dispositions de l’article R.221-1 du même code que, pour que l’ordonnance d’expropriation soit prise, le préfet transmet au greffe de la juridiction compétente, un dossier comprenant plusieurs documents dont les pièces « justifiant de l’accomplissement des formalités tendant aux avertissements collectifs et aux notifications individuelles prévues aux articles R.131-5, R.131-6 et R.131,11 […] ».

 

Par ailleurs, si le dossier ne comprend pas toutes les pièces mentionnées, le juge demande au préfet de les lui faire parvenir dans un délai d'un mois.

Ainsi, la Cour de cassation rappelle qu’il résulte de ces différentes dispositions que « le juge de l'expropriation, tenu de vérifier que toutes les formalités prescrites par la loi ont été accomplies, doit refuser de prononcer le transfert de propriété lorsque l'autorité expropriante n'a pas justifié des formalités accomplies afin de rechercher les héritiers des propriétaires décédés antérieurement à l'arrêté de cessibilité (3e Civ, 27 novembre 1991, pourvoi n° 89-70.304, Bull. 1991, III, n° 295). ».

Pour justifier de l’accomplissement de ces formalités « la seule mention de recherches infructueuses sur le certificat d'affichage en mairie étant insuffisante pour en caractériser l'existence ».

Ainsi, l’expropriant est tenu à une obligation de moyen dans la recherche des héritiers d’un propriétaire décédé, afin que ceux-ci puissent faire valoir leurs observations lors de l’enquête parcellaire. Il doit par ailleurs justifier de la réalisation d’une telle recherche pour se voir transférer la propriété du bien convoité. 

Aurélia MICHINOT

Juriste

Ronan BLANQUET 

Avocat