Acheter un bien immobilier lors d’une vente à la barre du tribunal, c’est un peu comme plonger dans un univers parallèle de l’immobilier : on y parle d’« audience », de « cahier des conditions de vente », d’« avocat postulant »… et les prix peuvent être bien plus attractifs que sur le marché classique. Mais encore faut-il savoir comment s’y prendre. Voici un guide clair et complet pour comprendre comment porter des enchères au tribunal, sans se perdre dans le labyrinthe des formalités.

1. Une vente à la barre du tribunal, c’est quoi exactement ?

Les ventes dites « à la barre du tribunal » sont des ventes judiciaires immobilières. Elles se déroulent au tribunal judiciaire, généralement dans la salle d’audience civile, sous la direction d’un juge de l’exécution ou d’un magistrat désigné.

Elles ont lieu lorsqu’un bien immobilier est saisi (par exemple pour non-remboursement de prêt) ou dans certains cas de liquidation judiciaire. L’objectif : vendre le bien pour permettre le remboursement des créanciers.

Ces ventes sont publiques : tout le monde peut assister à une audience, mais tout le monde ne peut pas enchérir directement. Et c’est là que les choses deviennent intéressantes…

2. Qui peut porter des enchères ?

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, vous ne pouvez pas lever la main vous-même dans la salle d’audience. La Loi impose que les enchères soient portées par un avocat inscrit au barreau du tribunal où a lieu la vente.

Autrement dit, si la vente se déroule au Tribunal judiciaire de Béthune, il vous faut un avocat du Barreau de Béthune pour enchérir à votre place. C’est lui – et lui seul – qui porte officiellement les enchères, selon vos instructions.

Votre rôle ? Vous préparez le dossier avec votre avocat, fixez un plafond d’enchère, et assistez à l’audience si vous le souhaitez. L’avocat, lui, se charge du reste, d’une main ferme et d’une voix claire.

3. Quelles démarches avant l’audience ?

a. Consulter le cahier des conditions de vente

Avant toute chose, il faut se renseigner sur le bien mis en vente. Les annonces sont publiées :

  • Sur les sites spécialisés (comme encheres-publiques.com ou licitor.com),VENTE D’IMMEUBLE AU TRIBUNAL
  • Dans la presse locale,
  • Sur les panneaux d’affichage du tribunal.

Chaque annonce renvoie à un cahier des conditions de vente, consultable au greffe du tribunal ou chez l’avocat du créancier poursuivant. Ce document détaille tout :

  • la description du bien,
  • les conditions d’occupation (libre ou occupé),
  • les charges éventuelles,
  • les frais à prévoir,
  • et les modalités de la vente.

C’est la bible de l’enchérisseur. Et il faut la lire attentivement, de préférence avec son avocat.

b. Visiter le bien (si possible)

Les ventes judiciaires n’offrent pas toujours la possibilité de visiter le bien, mais lorsqu’une visite est prévue, ne la manquez pas. Elle est souvent unique et annoncée par l’huissier. Vous pourrez vous faire une idée réelle de l’état du bien, ce qui peut éviter bien des mauvaises surprises.

c. Fournir les garanties exigées

Avant de pouvoir enchérir, il faut déposer un chèque de banque (souvent 10 % de la mise à prix, avec un minimum de 3 000 €). Ce dépôt prouve votre sérieux et garantit que vous pouvez assumer votre enchère. Le chèque est remis à votre avocat.

4. Le jour de la vente : une ambiance unique

Le jour J, l’audience ressemble à un étrange mélange entre un cours de droit et une vente aux enchères. Le juge déclare l’audience ouverte, ordonne la vente du bien immobilier puis les enchères s’ouvrent.

Les avocats portent les enchères au nom de leurs clients. Chaque surenchère augmente le prix d’un montant minimum (souvent 1 000 € ou 2 000 €, fixé par le cahier des conditions de vente). Quand plus personne ne surenchérit pendant 90 secondes, le juge prononce l’adjudication : le bien est vendu.

Félicitations, vous êtes adjudicataire ! Mais ce n’est pas encore fini…

5. Après l’adjudication : les obligations de l’acheteur

a. Le paiement du prix

L’adjudicataire doit régler le prix dans un délai de 45 jours (sauf conditions particulières). Le paiement s’effectue par l’intermédiaire de son avocat, qui verse les fonds au greffe.

Si le paiement n’est pas effectué dans les délais, la vente peut être annulée, et le bien remis en vente.

b. Les frais

Outre le prix d’adjudication, il faut prévoir :

  • les frais de procédure (souvent entre 3 000 € et 6 000 € selon le dossier),
  • les droits d’enregistrement,
  • et éventuellement des honoraires d’avocat.

Votre avocat vous remettra un décompte précis avant la vente, afin que vous sachiez exactement où vous mettez les pieds.

c. La prise de possession

Une fois le prix payé, l’adjudication devient définitive. Un titre de propriété vous est délivré, et vous pouvez entamer les démarches pour prendre possession du bien. Si le bien est occupé, une procédure d’expulsion pourra être nécessaire – encore une fois, avec l’aide de votre avocat.

6. Et si quelqu’un surenchérit après la vente ?

Eh oui : il existe un dernier rebondissement possible. Pendant 10 jours après l’adjudication, toute personne peut déposer une surenchère du dixième du prix (au minimum). Cela relance une nouvelle audience, à laquelle les enchères reprennent, cette fois à partir du nouveau montant. C’est rare, mais cela peut arriver.

7. Pourquoi se faire accompagner par un avocat expérimenté ?

L’achat à la barre du tribunal est une formidable opportunité d’acquérir un bien à un prix souvent avantageux. Mais c’est aussi une procédure très technique, où chaque délai compte et chaque document a son importance.

Un avocat habitué à ces ventes :

  • vous aide à évaluer les risques,
  • vérifie les titres et les charges,
  • prépare le dossier administratif,
  • et surtout, porte vos enchères avec rigueur et stratégie.

C’est votre représentant, votre guide et votre bouclier dans cet univers judiciaire un peu solennel.

En conclusion

Porter des enchères à la barre du tribunal, ce n’est pas réservé aux initiés ou aux spéculateurs. C’est un moyen légal, encadré et accessible d’acheter un bien immobilier, à condition d’être bien accompagné.

L’essentiel est de préparer soigneusement son dossier, de définir son budget, et de faire confiance à un avocat compétent du barreau concerné. Alors, si vous avez l’âme d’un enchérisseur curieux ou ambitieux, n’hésitez pas à franchir la porte du tribunal : derrière la solennité des audiences se cache parfois la bonne affaire de votre vie.

 

Sébastien HABOURDIN, Avocat au Barreau de Béthune.