Le 8 avril 2022
Introduction
Les négociations qu’un salarié peut entreprendre avec son employeur en vue de la signature d’une convention de rupture conventionnelle ou après un licenciement contesté en vue de la signature d’une transaction doivent intégrer la question des différés imposés par Pôle-emploi.
Que sont les différés imposés par Pôle-Emploi ?
Lorsqu’un salarié remplit les conditions pour percevoir l’allocation chômage, il ne touche pas immédiatement celle-ci à partir du jour où son inscription est validée par Pôle-Emploi.
En effet, Pôle-emploi applique plusieurs différés avant de verser les allocations en reportant le jour du versement.
Les différés, appelés aussi « délais de carences », sont donc un report du point de départ du paiement de l’allocation chômage.
Attention : les différés ne réduisent pas la durée d’indemnisation
Il faut avoir bien en tête ce que signifient ses différés : en effet, ils ne réduisent pas la durée de l’indemnisation mais ne font que reporter le point de départ du versement de l’allocation chômage. Ainsi, si vous avez droit à 1 an d’indemnisation chômage, que votre prise en charge par Pôle-Emploi commence au 1er juin 2022 et que Pôle-Emploi vous applique un différé de 30 jours, votre durée d’indemnisation sera d’un an à compter du 1er juillet 2022 et se terminera le 30 juin 2023.
Cependant, dans l’hypothèse où le salarié retrouve du travail tout de suite ou avant l’expiration de sa durée d’indemnisation, bien sûr, il subira le délai de différé durant lequel il n’aura pas perçu d’allocation chômage de telle sorte que ses droits au chômage se seront trouvés de facto impactés et réduits par l’application du différé.
Dans la mesure où les différés peuvent engendrer un report de versement de l’allocation pouvant aller jusqu’à 6 mois + 7 jours, cette question du différé est un point important qu’il faut aborder durant les négociations avec l’employeur ou au moins avoir bien en tête en fonction des espérances que le salarié nourrit de retrouver rapidement ou non un autre emploi.
Les types de différés
Ils sont au nombre de trois :
- le différé de 7 jours
- le différé des congés-payés
- le différé spécifique
- le différé de 7 jours :
Il s’applique à tous les cas de ruptures quelque soit la situation du demandeur d’emploi. Il est invariable et incompressible. Il s’agit de 7 jours calendaires et il commence le lendemain de la rupture du contrat de travail ou du dernier jour des autres différés s’il y en a.
- le différé des congés-payés :
Son mode de calcul a subi une importante modification par le décret du 26 juillet 2019 n° 2019-797 réajustée par le décret 2021-346 du 30 mars 2021 qui s’applique depuis le 1er juillet 2021.
Avant cette réforme, l’indemnité compensatrice de congés-payés versés par le dernier employeur était la seule qui servait au calcul du différé. Depuis la réforme, toutes les l’indemnité compensatrice de congés-payés versés par tous les employeurs sur une période de 182 jours avant la fin du dernier contrat de travail sont prises en compte.
Son mode de calcul est le suivant : indemnité(s) compensatrice(s) de congés-payés/ salaire journalier de référence.
Sans entrer dans le détail de ce calcul, il faut juste savoir que le délai de carence lié aux congés payés est limité à 30 jours (depuis le 1er octobre 2021).
- le différé spécifique :
Il s’agit du différé lié aux indemnités dites supra-légales que le salarié percevra au titre de sa convention de rupture conventionnelle ou de son protocole transactionnel.
Les indemnités supra-légales sont celles qui ne sont pas prévues spécifiquement par la loi et qui peuvent être :
- la différence entre l’indemnité conventionnelle de licenciement (prévue dans la convention collective) et l’indemnité légale.
- l’indemnité transactionnelle (qui est versée en sus des autres indemnités légales (préavis, congés-payés et indemnité de licenciement).
- l’indemnité de la clause de non-concurrence
- la conversion monétaire du Compte Epargne Temps (CTE).
Le mode de calcul du différé qui en découle est le suivant : montant de l’indemnité supra-légale/un coefficient de 95,8% en 2022.
Par exemple, si vous percevez une indemnité supra-légale de 11.000 euros, le différé se calculera de la sorte : 11.000/95,8 = 114 jours (arrondi inférieur).
La bonne nouvelle est que ce différé est plafonné à 150 jours (et 75 jours en cas de licenciement pour motif économique).
Ainsi, nous pouvons avoir en tête le calcul suivant : si le salarié perçoit une indemnité supra-légale supérieure à 15.000 euros environ, il se verra appliquer le différé de 150 jours.
Le cas de la signature d’un protocole transactionnel après un licenciement
Dans ce cas, il ne faut pas espérer passer à travers les goûtes de Pôle-Emploi mais on a le droit d’être joueur avec son destin !
Car le protocole transactionnel, qui doit nécessairement être signé après la notification du licenciement au salarié, va générer une obligation pour l’employeur d’adresser une 2ème attestation Pôle-Emploi rectificative pour informer du versement d’une indemnité transactionnelle.
Dans ce cas, Pôle-Emploi suspendra le versement de l’allocation chômage au salarié pendant la durée du différé.
Le salarié peut aussi espérer un oubli d’envoi de l’attestation rectificative par l’employeur. Il peut invoquer sa bonne étoile ! Mais il doit aussi savoir que le Règlement général annexé à la convention d’assurance chômage du 14 avril 2017 (voir sur le site de l’Unedic) prévoit le remboursement des allocations versées indument en cas de fausse déclaration ou omission détectée de déclaration complémentaire. Ce règlement indique aussi que « §2 c) Si tout ou partie de ces sommes est versé postérieurement à la fin du contrat de travail ayant ouvert des droits, le bénéficiaire et l'employeur sont dans l'obligation d'en faire la déclaration. Les allocations qui, de ce fait, n'auraient pas dû être perçues par l'intéressé, doivent être remboursées ».
L’hypothèse de l’accord trouvé devant le Bureau de Conciliation et d’Orientation du
Conseil de Prud’hommes
L’employeur et le salarié peuvent trouver un accord devant le Bureau de Conciliation et d’Orientation du Conseil de Prud’hommes, ce qui suppose qu’une procédure contentieuse a été engagée.
Dans ce cas, si les parties optent pour le versement de l’indemnité forfaitaire de conciliation prévue à l’article L1235-1 du code du travail, cette indemnité forfaitaire de conciliation ne sera pas prise en compte dans le calcul du différé spécifique, si elle est inférieure ou égale aux montants prévus par ce barème en fonction de l’ancienneté du salarié.
En conclusion, une réflexion doit être faite sur l’impact du différé
Les 3 différés cumulés peuvent donc entraîner un report du point de départ du versement de l’allocation chômage qui peut aller jusqu’à 6 mois et 7 jours ( 5 mois pour le différé spécifique, un mois pour le différé des congés payés et les 7 jours automatiques).
Ainsi, le salarié doit réfléchir à l’impact qu’aura le montant de son indemnité transactionnelle ou de son indemnité de rupture conventionnelle sur le différé spécifique qui viendra éventuellement se rajouter aux deux autres différés.
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