Issue de la réforme de la filiation de 1972, le Code Civil contient dans ses pages une curiosité juridique à mi-chemin entre l’action en responsabilité et celle en contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant.

L’action aux fins de subsides -comme elle se nomme – est un système de protection prévu à l’article 342 disposant que « tout enfant dont la filiation paternelle n'est pas légalement établie, peut réclamer des subsides à celui qui a eu des relations avec sa mère pendant la période légale de la conception ».

Cela signifie que la mère d’un enfant sans lien de paternité établi peut agir aux fins de solliciter une contribution alimentaire à l'homme qui a eu des relations intimes avec elle au moment de la conception de l'enfant.

Une telle action ne vise pas à établir une filiation à l’égard de cet homme  et se distingue de l'action en recherche de paternité.

Le possible père de l’enfant est donc condamné à indemniser le préjudice né non pas de la naissance mais de l’absence de l’établissement de la filiation.

 

Fondée sur une probabilité de paternité, l’action aux fins de subsides est une surprenante construction qui revêt à la fois un caractère indemnitaire et un fondement protecteur.

Sans juger, elle tire les conséquences du  risque pris par celui qui a eu des relations intimes avec la mère durant la période de conception.

Si  cette possibilité offerte par le code civil n’est usitée que dans des circonstances particulières, elle mérite cependant que l’on s’y intéresse en quelques lignes.

 

Fondement  protecteur :

L'action aux fins de subsides répond à la nécessité de protection des intérêts de l’enfant : elle lui n'appartient à lui et à lui-seul.

C’est donc à lui que revient la possibilité d’engager l’instance :

  • soit par l’intermédiaire du seul titulaire de l’autorité parentale, sa mère, durant sa minorité,
  • soit de lui-même dans les dix années qui suivent à sa majorité.

 

 

Dans l’un et l’autre cas, le demandeur doit remplir certaines conditions pour que le Tribunal de Grande Instance fasse droit à sa demande.

Tout d’abord, l'enfant ne doit pas avoir une filiation paternelle déjà légalement établie à l’égard de quiconque.

Les subsides revêtent un caractère subsidiaire : elles n’ont vocation à être versées qu’à titre indemnitaire et ne peuvent se cumuler à la pension alimentaire à la charge du père de l’enfant.

Elles peuvent d’ailleurs prendre fin avec l’établissement de la paternité à l’égard d’un tiers.

 

Ensuite, ces indemnités d’exception ne seront allouées que si la preuve est rapportée que le géniteur potentiel a eu des relations intimes avec la mère à l'époque présumée de la conception.

Ces circonstances de la procréation peuvent être prouvées par tous moyens, peu importe que la mère ai été engagée dans les liens du mariage avec une autre personne ou si elle entretenait une liaison avec une autre personne.

Sans renier le devoir de fidélité, le législateur de 1972 n’a pas eu la naïveté de croire à l’exemplarité du couple.

C’est donc avec pragmatisme qu’il a abordé les mœurs sexuelles sans s’encombrer d’une morale qui briderait l’effet protecteur de son action.

L’action aux fins de subsides traduit l’idée que la légèreté ne se concilie pas avec l’inconsidération.

 

Caractère indemnitaire :

Le défendeur de son côté se retrouve bien en peine pour échapper à ses obligations soit qu’il ne les ai pas connu pour ne pas avoir été avisé de la grossesse, soit qu’il ait refusé d’assumer sa paternité à l’annonce de la naissance.

Mais l’action aux fins de subsides ne répond pas aux communes circonstances puisqu’elle tend à ramener de la simplicité dans des situations complexes.

Elle peut s’inscrire dans le cadre de l’adultère mais également dans l’inceste ou bien encore des violences sexuelles.

C’est de l’histoire d’une naissance « extra-ordinaire » qu’elle tire son caractère indemnitaire fondé sur une probabilité.

Dans ce contexte, l’établissement de la filiation paternelle a rencontré un empêchement d’ordre légal, d’ordre matériel, d’ordre affectif ou d’ordre moral.

Pour autant, l’obstacle non levé, ne doit pas léser l’enfant qui n’a pas choisi sa conception.

 

Celui qui a connu des relations intimes avec la mère au cours de la période de conception est donc la proie de sa « génitabilité », sa probabilité d’être le géniteur de l’enfant.

Il ne pourra se départir celle-ci que s’il démontre par tous moyens l'impossibilité de paternité matérielle ou médicale.

S’il échoue, il sera tenu aux subsides envers l’enfant sans qu’aucun lien ne se crée, sans qu’aucun droit de parentalité ne naisse.

Les subsides feront cependant parti de son héritage puisqu’il transmettra cette obligation à ses héritiers comme le prévoit l’article 342-6 du Code Civil.

L’action peut donc être engagée contre les héritiers acceptants s’il est décédé : les subsides seront alors prélevés sur l'hérédité.

 

 

Saisie d’une action aux fins de subsides, le Tribunal de Grande Instance se prononcera le bien fondé des demandes et sur le montant de l’indemnité.

Le jugement à intervenir n’aura pas d’effet rétroactif puisque les subsides ne seront dus qu'à compter de la délivrance de l’assignation.

Au-delà de ces conséquences, il n’aura aucun effet déclaratif et ne modifiera pas l’état civil de l’enfant.

Par contre, il créera un empêchement à mariage entre le débiteur, le père présumé, et le créancier, son enfant probable.

Cette action peu conventionnelle cache sous ses traits aussi feutrés qu’intimistes une utilité qui répond aux besoins de certaines situations dans lesquelles le seul enjeu qui prime est celui d’intérêt de cet enfant qui n’a pas choisi les circonstances de sa conception.