La propriété, ses nombreuses prérogatives et ses multiples attributs ont un caractère fondamental dans notre droit.

Tout ce qui s’y attache  bénéficie de ce fait d’une protection renforcée contre les atteintes qui peuvent être portées aussi bien par les personnes privées que par les personnes publiques.

Aussi, la possession d’un patrimoine foncier colore depuis longtemps nos principes juridiques  incontestablement agraires et terriblement terriens.

La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 affirme ainsi dans son article 17  que :

« La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ».

 

Inspiré par cette liberté fondamentale, le Code Civil de 1804 a prévu de nombreux modes d’acquisition de la propriété immobilière.

L’arrêt du 27 avril 2017 rendu par les juges de la Cour de Cassation revient sur cette thématique au travers de l’analyse  deux principes attachés au droit propriété : l’accession et la prescription.

 

  • La présomption de propriété par accession :

L’article 546 du Code Civil pose le principe suivant :

« La propriété d’une chose, soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu’elle produit, et sur ce qui s’y unit accessoirement, soit naturellement, soit artificiellement.

Ce droit s’appelle droit d’accession ».

 

Ce droit d’accession ressort de l’union de deux biens qui se sont mêlés par l’effet du temps, que cette union soit naturelle ou artificielle.

Dans le premier cas, l’accession provient de l’incorporation d’une chose dite accessoire à une autre dite principale ou de la production de fruits par un bien au gré de la nature.

Dans le second cas, l’accession est la conséquence du fait de l’homme qui a modifié la chose initiale et lui a lié un autre élément.

Dans l’un ou l’autre cas, l’adjonction scelle le sort des deux biens : le propriétaire du fond principal sera donc  également identifié comme le propriétaire de tout ce qui lui est attaché à titre accessoire.

 

La Cour de Cassation relève que sauf convention contraire, l’accession opère de plein droit.

Dès lors, l’acquisition de la propriété des constructions n’est pas subordonnée à l’action du propriétaire du sol ou à celle du créancier poursuivant

Cass. Civ. 3ème  27 mars 2002 Pourvoi n° 00-18201

En conséquence de ce principe, le propriétaire d’un terrain peut acquérir la propriété des plantations, constructions et ouvrages faits par un tiers sur son sol en application de l’article 555 du Code Civil.

Cette situation doit cependant se distinguer du cas où une construction empiète sur le fond voisin et ne respecte pas les limites de propriété.

 

Cependant, l’accession ne fait naitre qu’une simple présomption de propriété en matière immobilière.

 

  • La prescription acquisitive :

A l’inverse, la prescription est un véritable mode d’acquisition de la propriété en matière immobilière « par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi ».

L’article 2272 du Code Civil dispose ainsi :

« Le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans.

Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans ».

Le jeu de la prescription acquisitive est lié à la possession d’un bien, c’est-à-dire l’exercice effectif des droits attachés à la propriété de ce bien.

Cette possession doit être utile, non équivoque, publique, paisible et continue pour se distinguer d’une location, d’un usage ponctuel  ou d’une occupation précaire et permettre d’acquérir le bien.

En fait, la prescription acquisitive n’a ni pour objet ni pour effet de priver une personne de son droit de propriété.

Mais elle confère au possesseur, sous certaines conditions, et par l’écoulement du temps, un titre de propriété correspondant à la situation de fait qui n’a pas été contestée dans un certain délai.

Cass. Civ. 3ème  17 juin 2011 Pourvoi n° 11-40014

 

La durée de l’usucapion varie selon que la possession est ou non de bonne foi et fondée sur un titre juridique.

C’est sur ces deux notions mises en concurrence que la Cour de Cassation n’a pas manqué de revenir dans une espèce où  le propriétaire a revendiqué la propriété du bief amont, des ouvrages accessoires au moulin, ainsi que de l’entier canal, des francs-bords et des vannages.

La Cour de Cassation rappelle que l’accession a une simple fonction probatoire

Elle précise ainsi  que l’article 546 du Code Civil instaure, en faveur de celui qui l’invoque, une présomption de propriété par accession qui peut être renversée par la preuve contraire résultant de la prescription.

Cass. Civ. 3ème  27 avril 2017 Pourvoi n° 16-10753

 

Dans leur jurisprudence, les juges du quai de l’Horloge précisent donc que le principe de l’accession ne prime pas sur la prescription acquisitive.