Si cette solution est désormais connue pour les marchés de travaux, le Conseil d'Etat a rappelé qu'elle s'étendait aux marchés de maîtrise d'oeuvre.
"2. Considérant qu'il appartient au maître de l'ouvrage, lorsqu'il lui apparaît que la responsabilité de l'un des participants à l'opération de construction est susceptible d'être engagée à raison de fautes commises dans l'exécution du contrat conclu avec celui-ci, soit de surseoir à l'établissement du décompte jusqu'à ce que sa créance puisse y être intégrée, soit d'assortir le décompte de réserves ; qu'à défaut, si le maître d'ouvrage notifie le décompte général du marché, le caractère définitif de ce décompte fait obstacle à ce qu'il puisse obtenir l'indemnisation de son préjudice éventuel sur le fondement de la responsabilité contractuelle du constructeur, y compris lorsque ce préjudice résulte de désordres apparus postérieurement à l'établissement du décompte ; qu'il lui est alors loisible, si les conditions en sont réunies, de rechercher la responsabilité du constructeur au titre de la garantie décennale et de la garantie de parfait achèvement lorsque celle-ci est prévue au contrat" (CE, 19 nov. 2018, n° 408203, Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture)
Le Conseil d'Etat applique ce principe général et considère que le maître d'ouvrage "ne pouvait rechercher la responsabilité contractuelle des entreprises chargées de la maîtrise d'oeuvre, et notamment de la société Atelier 4, y compris en raison d'un manquement à leur devoir de conseil lors de la réception des travaux, dès lors que ledécompte du marché de maîtrise d'oeuvre, qui ne contenait aucune réserve relative à la façon dont le groupement s'était acquitté de cette obligation, était devenu définitif, et alors même que les désordres au titre desquels la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre était recherchée n'étaient apparus que postérieurement à l'établissement du décompte du marché de maîtrise d'oeuvre" (considérant n° 3).
Cette solution n'est pas inédite (voir en ce sens CE, 17 mai 2017, n° 396241, Commune de Reilhac et Office public de l'habitat du Cantal) mais rappelle l'importance considérable du décompte général et définitif en matière de marché de maîtrise d'oeuvre.
Une telle position traduit une volonté d'uniformiser le régime des marchés publics des intervenants à une opération de travaux publics, alors que les marchés de maîtrise d'oeuvre (c'est-à-dire de prestation intellectuelle) ne sont pas soumis au même cahier des clauses administratives générales.
Pour illustration, le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de prestations intellectuelles ne prévoit pas de procédure de règlement des comptes aussi détaillée que celle applicable aux marchés de travaux, laissant une grande liberté aux parties dans l'établissement des comptes.
Il est regrettable que la spécificité des marchés de maîtrise d'oeuvre ne soit pas préservée, tandis que ces marchés ne font généralement l'objet d'aucune réception ni admission expresse et que les missions attribuées aux maîtres d'oeuvre sont d'une telle complexité que la mise en jeu de leur responsabilité après seulement un an à compter de la réception (leur mission cessant généralement à cette date) apparaît particulièrement délicat.
Deux suggestions pour les maîtres d'ouvrage :
- Appliquer la procédure d'admission des prestations du maître d'oeuvre avec autant d'attention que la réception des marchés de travaux afin de déceler au plus tôt l'éventuel engagement de la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre ;
- Redoubler de vigilance lors du règlement des "notes d'honoraires finales", "certificats de paiement définitifs" et autres "soldes de tout compte", autant de documents qui doivent être interprétés, en droit, comme des projets de décomptes finaux et qui ont donc vocation, après signature, à revêtir un caractère définitif.
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