Quelle place pour les avocats et du justiciable dans la justice 2.0 ?

 

Engagé dans un processus de numérisation de l'action publique, le Ministère de la Justice affiche l'ambition de la dématérialisation de 100 % des démarches administratives d'ici 2022.  Ainsi, en principe depuis le 27 mai dernier, le justiciable peut suivre son dossier en ligne et l’avocat ne communique que par voie numérique avec son TGI. Il est d'ores et déjà annoncés une généralisation du process envers les justiciables d'ici 2020 alors que nombre de TGI ne peuvent traiter les dossiers d’avocats par voie électronique.

 

Comment cela se passe ? Va-ton pouvoir se passer du baveux ?

 

Sur le site du ministère justice.fr mis en service en 2016 il existe une interface pour le suivi des dossiers en ligne. Le justiciable peut donc suivre l'avancée de sa procédure et a même la possibilité de saisir la juridiction concernée directement.  Cerise sur le gâteau il est même possible d'être rappelé par SMS pour les convocations aux audiences ! Le XXI siècle quoi !

 

Le Ministère indique avoir enregistré plus de 10,2 millions de visiteurs en recherche de leurs droits et des démarches à entreprendre dans le cadre d'un litige. Le ministère de se vanter que le site est accessible 7/7 et 24/24 et qu'il est donc possible de saisir une juridiction ou d'accéder aux pièces de procédure le 31 décembre à 0 heures entre deux grains de raisin avalés en même temps que les douze coups du carillon !  On vit une époque formidable !

 

Il est Annoncé la possibilité d’avoir accès de la même manière à son affaire à condition qu’elle relève des juridictions civiles : procédure devant les cours d’appel, procédure devant les tribunaux d’instance et de grande instance, tribunaux paritaires des baux ruraux, tribunaux pour enfants, conseil de prud’hommes que les procédures soient avec ou sans représentation obligatoire…

Pour avoir accès à ce service le justiciable devra consentir à la dématérialisation en téléchargeant un formulaire qu’il déposera physiquement au greffe d’une juridiction ou l’adresser par voie postale. La numérisation a ses limites !

Il pourra s’identifier pour se connecter au service en utilisant un des services « de pistage » mis en place par le gouvernement comme France Connect, impôts.gouv.fr ou encore amélie.fr…

Un support utilisateur sera mis en place avec la possibilité de solliciter par téléphone ou courriel des aides à la connexion…

 

Le tableau est idyllique mais il le sera finalement surtout pour l’État qui sous prétexte de modernisation fera finalement l’économie (ou espère faire l’économie) en limitant les appels téléphoniques… mais finalement que va-t-il se passer ?

Imaginer la tête du justiciable lorsqu’un justiciable découvrira que le jugement du tribunal d’instance (ou chambre de proximité du tribunal judiciaire) est rendu à une date (et qu’il apparaîtra comme tel sur la plate-forme)  mais dont  l’expédition papier ne sera réalisée que plusieurs mois plus tard !

Comment fera le justiciable pour numériser ses pièces lorsque l’on sait il a fallu négocier des années des négociation pour que la communication des pièces annexées aux messages entrants des avocats via RPVA passe à 10Mo ?

Lorsqu’un justiciable découvrira un message laconique du type « Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours » ou « radiation faute de diligence » alors que c’est le dépôt du rapport d’expertise qui est attendu. Ne rêvons pas car le but n’est pas de demander à un greffier de prendre un message intelligible mais de récupérer automatiquement des informations du logiciel…. Il faudra peut être un traducteur automatique google entre jargon informatique de la chancellerie et langage courant.

Enfin, je vous passe les procédures de mise en état avec les audiences de conférence et de mise en état qui finalement ne se tiennent pas physiquement… mais avec l’arrivée du tribunal judiciaire et sa saisie par voie d’assignation on ne peut que s’interroger sur l’avenir de ce machin.