Par une décision en date du 10 octobre 2022, la cinquième chambre du Conseil d’État à eu à répondre à une question intéressant la situation d’une aide soignante (membre de la fonction publique hospitalière) victime d’un accident de trajet l’obligeant à bénéficier d’un congé maladie sans reconnaissance d'un accident survenu  à l'occasion de l'exercice de ses fonctions.

 

En l’espèce, la victime était aide-soignante à l'hôpital Bichat-Claude Bernard de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP).Cette dernière a été placée en arrêt de travail après avoir été victime d'un accident de trajet entre son lieu de travail et son domicile.

 

Une expertise a été réalisée et le médecin du service de médecine statutaire de l'AP-HP a considéré que les symptômes dont elle souffrait n'avaient, à compter d’une certaine date, plus de lien direct et certain avec l'accident de trajet dont elle avait été victime.

 

Par arrêté, le directeur général de l'AP-HP a placé l'intéressée en congé de longue maladie à compter de la date à laquelle le médecin avait considéré qu’il n’y avait plus de lien direct et certain avec l’accent de trajet dont elle a été victime.

 

Ce même directeur général de l’AP-HP a rejeté le recours gracieux de l'intéressée.

 

Le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision, et a enjoint au directeur général de l'AP-HP de procéder au réexamen de la situation de la victime  et rejeté le surplus des conclusions dont il était saisi.

 

La victime a donc formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris en ce qu’elle a rejeté l’appel formé contre ce  dernier jugement.

 

 

 

La victime poursuivait un objectif double, à savoir d’une part que lui soit accordé un congé pour accident de service en ce qui concerne la période où elle se trouvait en congé longue maladie, et d’autre part, que soit reconnu, au moyen d’une astreinte de 200 euros par jour de retard, que son état de santé actuel est en relation directe et certaine avec l’accident de trajet dont elle a été victime.

 

1-   Sur l’application de la loi dans le temps 

 

Le Conseil d’État va constater qu’il n’est pas possible d’appliquer l’article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 au cas d’espèce à raison d’un conflit de la loi dans le temps, contrairement à ce que la cour administrative d’appel de Paris avait pu juger.

 

Ainsi que le rappelle la juridction " Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités du congé pour invalidité temporaire imputable au service mentionné au premier alinéa et détermine ses effets sur la situation administrative des fonctionnaires.

 Il fixe également les obligations auxquelles les fonctionnaires demandant le bénéfice de ce congé sont tenus de se soumettre en vue, d'une part, de l'octroi ou du maintien du congé et, d'autre part, du rétablissement de leur santé, sous peine de voir réduire ou supprimer le traitement qui leur avait été conservé. "

 

Le Conseil d’État va relever que les dispositions sus mentionnées ne sont entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique hospitalière, que le 16 mai 2020, au regard du décret du 13 mai 2020 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique hospitalière, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique.

 

 

Or le congé maladie de la victime est intervenu le 22 octobre 2016, soit antérieurement à l’entrée en vigueur aux modifications relevées.

 

2-   Sur l’imputabilité de l’affection au service

 

Concernant le cadre légal en l’espèce, le Conseil d’État va rappeler l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et à la sécurité au travail dans la fonction publique.

 

En vertu de cet article 41 : « le fonctionnaire en activité dont la maladie provient d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, y compris un accident de trajet, a droit à un congé de maladie et conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a également droit au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l’accident. ».

 

Le Conseil d’État va également prendre le soin de rappeler l’importante modification de l’article 41 sus mentionné et intervenue par ordonnance le 19 janvier 2017 en son article 10:

 

« le fonctionnaire en activité victime d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions a droit, au lieu du congé de maladie, à un congé pour invalidité temporaire imputable au service, prévu par l'article 21 bis inséré dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Ce congé lui ouvre droit au maintien de l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite ainsi qu'au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l’accident. »

 

Les juges du Palais Royal ont donc pu retenir que :

 

 « en jugeant que le moyen tiré par la victime  de l'imputabilité de l'affection dont elle souffrait à l'accident de service qu'elle avait subi était inopérant contre les décisions attaquées la plaçant en congé de longue maladie, alors que ces décisions avait eu pour effet non seulement de placer la requérante en congé maladie mais aussi de rejeter sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'affection dont elle souffrait, la cour administrative d'appel a commis une seconde erreur de droit. »

 

La requérante peut fonder l’espoirs d’une issue favorable devant la cour d’appel de renvoi.

 

Conseil d'État, 5ème chambre, 10/10/2022, 442274, Inédit au recueil Lebon

Commentaire établi en collaboration avec Manon Pilorge, étudiante, M2 Droit de la Santé, UFR RENNES 1