L’article L 1110-5-1 du Code de la santé publique, créé par la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie énonce que :

«  Les actes mentionnés à l’article L 1110-5 ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu’ils résultent d’une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et, si ce dernier est hors d’état d’exprimer sa volonté, à l’issue d’une procédure collégiale définie par voie réglementaire (…) ».

C’est donc sur les dispositions de cet article, et notamment la notion d’obstination déraisonnable, que devait se prononcer le Conseil d’Etat, à travers l’histoire de la petite Marwa.

La petite fille est née le 10 novembre 2015 à Nice.

Le 23 septembre 2016, Marwa est frappée par un entérovirus foudroyant.

Après avoir été emmenée aux urgences de Nice, elle est finalement transférée par hélicoptère à la Timone à Marseille après avoir été placée en coma artificielle.

Les examens réalisés permettent d’établir un diagnostic : l’entérovirus a provoqué des lésions neurologiques définitives de certaines parties du cerveau, entraînant un polyhandicap majeur, avec paralysie motrice des membres, de la face et sa dépendance à une ventilation mécanique et une alimentation par voie entérale.

Dans ce contexte, les médecins décident d’appliquer les dispositions de l’article L 1110-5-1 du Code de la santé publique précité et une réunion collégiale est donc organisée le 4 novembre 2016 à l’issue de laquelle l’arrêt de la poursuite des thérapeutiques actives est décidé à l’unanimité.

Informés des conclusions de cette réunion, les parents s’opposent aux conclusions médicales et saisissent le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille sur le fondement de l’article L 521-2 du Code de justice administrative.

Après avoir demandé une expertise médicale, le juge des référés a, dans une ordonnance du 8 février 2017, suspendu la décision du 4 novembre 2016 d’arrêté les thérapeutiques actives et a enjoint à l’équipe médicale, sans préjuger en rien de l’évolution de l’état clinique de Marwa.

A l’appui de sa décision, le juge des référés a considéré que les conditions prévues par la loi pour que puisse être prise par un médecin une décision d’arrêt de traitements dont la poursuite traduirait une obstination déraisonnable ne pouvaient être regardées comme étant réunies en l’espèce.

L’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille a toutefois formé un appel à l’encontre de cette ordonnance.

Dans une ordonnance du 8 mars 2017, le Conseil d’Etat donne raison aux parents de Marwa et confirme le bien-fondé de l’ordonnance attaquée.

Pour ce faire, la Haute Juridiction a pris deux éléments en considération :

  • D’une part, les éléments d’amélioration constatés de l’état de conscience de l’enfant et l’incertitude à la date de l’ordonnance sur l’évolution futur de cet état
  • D’autre part, le fait que la perte d’autonomie ne permet pas en soi de considérer que les traitements relèvent d’une obstination déraisonnable

Tout en donnant une place capitale à l’avis des parents, qui s’opposent tous deux à l’arrêt des traitements.

Dans ce cadre, le juge des référés rappelle en effet dans un considérant qu'il convient de reproduire que :

« A défaut de pouvoir rechercher quelle aurait été la volonté de la personne s’agissant d’un enfant de moins d’un an à la date de la décision, l’avis de ses parents, qui s’opposent tous les deux à l’arrêt des traitements, revêt une importance particulière. Dans ces conditions, la circonstance que l’enfant M. D. soit sans un état irréversible de perte d’autonomie la rendant tributaire de moyens de suppléance de ses fonctions vitales ne rend pas les traitements qui lui prodigués inutiles, disproportionnés ou n’ayant pour d’autre effet que le maintien artificiel de la vie et la poursuite de ces traitements ne peut caractériser une obstination déraisonnable ».

Et de conclure que les conditions d’application des dispositions de l’article L 1110-5-1 du Code de la santé publique ne sont pas réunies en l’espèce.

Au-delà de l’histoire tragique de cette petite fille, le Conseil d’Etat nous renseigne donc sur la notion d’obstination déraisonnable qu’il interprète à l’aune de l’avis des parents.

Car c’est véritablement la volonté des parents de ne pas arrêter les traitements de leur fille qui conduit le Conseil d’Etat à prendre cette décision.

Une décision qui, si elle doit être saluée, va pourtant à contre-courant de l’intention du législateur, lequel avait souhaité donner le dernier mot aux équipes médicales.