La clause de destination du bail commercial

Le bail comporte en règle générale une clause de destination, qui régit les activités qui peuvent être exercées dans les locaux loués.

S'il est possible d'autoriser "tous commerces", la destination est en règle générale définie avec plus de précision.

L'interprétation de ces clauses est en règle générale relativement stricte. Ainsi, il a pu être jugé que 

 

Modifier l'activité prévue à la clause de destination

En principe, toute modification de l'activité prévue à la clause de destination doit faire l'objet d'une autorisation par le bailleur.

En cas de changement d'activité, le bailleur peut demander le paiement d'une indemnité égale au montant du préjudice dont le bailleur établirait l'existence ainsi que la modification du prix du bail (Code de commerce, article L145-50).

Si le locataire souhaite seulement ajouter une activité accessoire ou connexe ou complémentaire, une modification du loyer peut être effectuée à la prochaine révision triennale si la valeur locative a été modifiée (Code de commerce, article L145-47).

 

Interprétation stricte des destinations

Le juge recherche concrètement si l'activité exercée dans les locaux est conforme la destination définie par les parties au contrat de bail.

S'agissant d'un bail autorisant une activité de snack, et pour lequel le bailleur faisait valoir que le locataire exploitait en réalité un restaurant en violation des clauses du bail, le juge apprécie en tenant compte d'éléments factuels diverses :

  • Les usages locaux,
  • Les avis, commentaires et photographies diffusées en ligne par les clients,
  • Le menu.

Il en déduit qu'il s'agit d'une activité de restauration, puisque la cuisine servie est beaucoup plus sophistiquée que celle d'un snack.

"si, ainsi que le fait valoir M. [S], il importe pour apprécier la commune intention des parties, de tenir compte des particularités de la Polynésie française où les traditionnelles roulottes permettent de servir des plats locaux traditionnels ceux-ci restent malgré tout relativement simples dans leur composition et l'activité de restauration développée au sein du snack-restaurant Le Mahogany dépasse, au vu des éléments versés aux débats, la confection et la mise à disposition du public d'une telle cuisine locale.

En l'espèce, les requérantes versent aux débats en pièce n° 21 la page Tripadvisor concernant cet établissement qui était classé 2 sur 4 à [Localité 4] pour une gamme de prix moyenne située entre €€-€€€ proposant une cuisine française, chinoise de fruits de mer et poissons.

Les commentaires font référence à la qualité de la cuisine dont les photographies jointes montrent la préparation soignée et variée. Il est ainsi décrit le mahi mahi sauce coco, le poisson frais au gingembre, les langoustes et cigales 'le tout généreusement servi' et des desserts tels que le fondant au chocolat avec sa crème vanille ou les profiterolles. Un commentaire a mis en exergue les 'produits du 'terroir' ajoutant que ce restaurant permet de changer un peu l'habitude des menus que l'on peut retrouver en Polynésie.

Le menu proposé, versé en pièce n° 24 par les requérantes démontrent qu'étaient proposés notamment des ris de veau forestier, du magret de canard au miel ou au foie gras, du filet de boeuf foie gras ou morilles, du carré d'agneau rôti jus à l'ail, de la tête de veau langue de boeuf ravigotte.

A l'évidence il s'agit là d'un type de restauration bien plus sophistiquée que celle pouvant être servie dans un snack de sorte que c'est bien en réalité une activité de restaurant qui était exercée en cet endroit." (Cour d'appel de Papeete, 24 août 2023, n°21/00342).

"4. La cour d'appel a, d'abord, constaté qu'aux termes du contrat liant les parties, il avait été accordé au locataire le droit de prolonger le bâtiment côté ouest pour y construire un snack, que l'installation existante comportait une partie cuisine de 30 mètres carrés, entièrement équipée, une salle à manger de 50 mètres carrés, des toilettes indépendants, un fare pote de 16 mètres carrés et quatre petits kiosques de 6 mètres carrés chacun, ainsi qu'une parcelle de 500 mètres carrés environ entourant le snack et que celui-ci, exploité sous le nom de « snack-restaurant [5] » proposait à la clientèle une cuisine française, chinoise et de fruits de mer, composée notamment de poisson au gingembre et de ris de veau forestier.

5. Elle a, ensuite, relevé qu'il s'agissait là d'un type de restauration bien plus sophistiqué que celle pouvant être servie dans un snack." (Cour de cassation, 27 mars 2025,  n°23-22.383).

Cette violation de la clause de destination est lourdement sanctionnée.

 

Sanction en cas de modification des activités sans autorisation

Dans cette affaire, le bailleur demandait la résiliation du bail. Le juge lui accorde et est confirmé par la Cour de cassation :

"L'activité de restauration exercée au sein du snack-restaurant Le Mahogany était donc totalement différente de ce qui avait été initialement convenu entre les parties et ce sans que M. [S] en ait informé la bailleresse.

Si M. [S] n'a pas été mis en demeure au préalable de respecter les clauses du bail, l'introduction de cette instance ne l'a pas pour autant amené à régulariser cette situation de sorte que tant les requérantes que Mme [O] [H] [M] sont bien fondées à solliciter la résiliation du contrat de bail qui stipulait qu'en aucun cas la destination des lieux ne peut être modifiée sans l'accord express du bailleur sans qu'il soit, dès lors, necessaire d'examiner les autres griefs invoqués.

La résiliation sera par conséquent ordonnée" (Cour d'appel de Papeete, 24 août 2023, n°21/00342).

"6. Abstraction faite de l'erreur matérielle affectant la mention des dates des constats d'huissier de justice cités, sans incidence sur la solution du litige, elle a pu retenir que l'activité de restauration exercée au sein du snack-restaurant [5] était totalement différente de ce qui avait été initialement convenu par les parties, sans que le locataire en ait informé les bailleresses, que celui-ci avait modifié unilatéralement la destination des locaux loués, commettant ainsi un manquement dont elle a souverainement apprécié la gravité pour prononcer la résiliation du bail." (Cour de cassation, 27 mars 2025,  n°23-22.383).

 

Conseils pratiques

La clause de destination doit donc être rédigée de sorte à refléter l'activité réellement exercée dans les locaux. De même, en cas d'acquisition d'un fonds ou d'un droit au bail, il convient de s'assurer que la clause de destination est bien compatible avec l'activité projetée.

 

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Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

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