NON : dans un arrêt en date du 21 juillet 2022, le Conseil d’Etat considère que dès lors que le courriel se borne à répondre à une demande d’information présentée par le syndicat requérant, il ne saurait être regardé comme constituant un document de portée générale susceptible d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation des établissements de jeux ou de leurs salariés.

Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l’annulation pour excès de pouvoir d’une décision contenue dans le courriel sont manifestement irrecevables.


Les documents de portée générale émanant d’autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l’excès de pouvoir lorsqu’ils sont susceptibles d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation d’autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre.

Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices.

Le courriel par lequel un chef de bureau des établissements de jeux de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l’intérieur a répondu à un courrier d’une fédération syndicale en lui faisant part de l’interprétation, par l’administration, de la réglementation applicable aux casinos résultant de l’arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos ne révèle par lui-même aucune décision.

Dès lors qu’il se borne à répondre à une demande d’information présentée par le syndicat requérant, il ne saurait être regardé comme constituant un document de portée générale susceptible d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation des établissements de jeux ou de leurs salariés.

Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l’annulation pour excès de pouvoir d’une décision contenue dans le courriel sont manifestement irrecevables.

SOURCE : Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 21/07/2022, 449388

JURISPRUDENCE :

Sur la possibilité de contester une décision révélée par une prise de position de l’administration, CE, Section, 12 novembre 1965, Cie marchande de Tunisie, p. 602 ;

CE, Section, 12 juin 2020, Groupe d'Information et de Soutien des Immigrés (GISTI), n° 418142, p. 192 :

« Les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices. Il appartient au juge d'examiner les vices susceptibles d'affecter la légalité du document en tenant compte de la nature et des caractéristiques de celui-ci ainsi que du pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité dont il émane.

Le recours formé à son encontre doit être accueilli notamment s'il fixe une règle nouvelle entachée d'incompétence, si l'interprétation du droit positif qu'il comporte en méconnaît le sens et la portée ou s'il est pris en vue de la mise en œuvre d'une règle contraire à une norme juridique supérieure.

Les lignes directrices émanant d'autorités publiques sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre, et sont, par suite, susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

Dès lors qu'un acte administratif ne revêt pas le caractère d'une décision, le moyen tiré de ce qu'il méconnaîtrait l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA), relatif à la signature des décisions et aux mentions relatives à leur auteur, ne peut qu'être écarté.

Il en va ainsi d'une note émanant de la division de l'expertise en fraude documentaire et à l'identité (DEFDI) de la direction centrale de la police aux frontières, visant à diffuser une information relative à l'existence d'une fraude documentaire généralisée en Guinée (Conakry) sur les actes d'état civil et les jugements supplétifs et préconisant en conséquence, en particulier aux agents devant se prononcer sur la validité d'actes d'état civil étrangers, de formuler un avis défavorable pour toute analyse d'un acte de naissance guinéen.

Note émanant de la division de l'expertise en fraude documentaire et à l'identité (DEFDI) de la direction centrale de la police aux frontières, visant à diffuser une information relative à l'existence d'une fraude documentaire généralisée en Guinée (Conakry) sur les actes d'état civil et les jugements supplétifs et préconisant en conséquence, en particulier aux agents devant se prononcer sur la validité d'actes d'état civil étrangers, de formuler un avis défavorable pour toute analyse d'un acte de naissance guinéen.

Eu égard aux effets notables qu'elle est susceptible d'emporter sur la situation des ressortissants guinéens dans leurs relations avec l'administration française, cette note peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

Cette note préconise l'émission d'un avis défavorable pour toute analyse d'acte de naissance guinéen et en suggère à ses destinataires la formulation. Elle ne saurait toutefois être regardée comme interdisant à ceux-ci comme aux autres autorités administratives compétentes de procéder, comme elles y sont tenues, à l'examen au cas par cas des demandes émanant de ressortissants guinéens et d'y faire droit, le cas échéant, au regard des différentes pièces produites à leur soutien. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 47 du code civil doit donc être écarté. »

CE, 7 février 2018, M. Benmoussa, n° 402034, T. pp. 507- 624- 637. Comp., s’agissant d’un document de portée générale :

« Demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir d'une décision, révélée par un courrier électronique, par laquelle la directrice de la direction nationale des vérifications de situations fiscales (DNVSF) a décider de substituer à l'amende proportionnelle de 5% prévue par le deuxième alinéa du 2 du IV de l'article 1736 du code général des impôts (CGI), déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel, l'amende fixe prévue au premier alinéa du 2 du IV de ce même article. Le courrier en cause, qui ne s'adresse pas aux services fiscaux, ne constitue pas une circulaire ou une instruction administrative mais se borne à répondre à une demande d'information adressée par les représentants de l'Institut des avocats conseils fiscaux (IACF). D'autre part, ce document ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale susceptible d'être opposée à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales (LPF). Par suite, le courrier contesté n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. »