OUI : on savait que l’expertise du médecin agréé n’était pas une science exacte et que les commissions de réforme, devenues aujourd’hui les conseils médicaux en formation plénières, se limitaient souvent à entériner les avis des médecins agréés. Dans son son arrêt important du 09 juin 2022, la Cour administrative d’appel de Nancy ouvre la porte à la contestation médicale de l’avis de l’expert commis par l’administration en prenant en compte au soutient de la demande d’annulation de l’arrêté refusant l’imputabilité au service d’une pathologie,, l'avis du chirurgien de l'agent.


Mme E..., adjointe technique territoriale des établissements d'enseignement principal de 2ème classe, est employée par le département de l'Aube depuis le 1er août 2008 et affectée au collège d'Othe-et-Vanne à Aix-Villemaur-Palis.

Elle a été placée en congé de maladie ordinaire du 29 novembre au 12 décembre 2018, puis, par des congés maladie successifs, du 15 décembre 2018 au 8 juillet 2019.

Par un courrier du 14 décembre 2018, Mme E... a présenté une demande de reconnaissance d'imputabilité au service de la pathologie ayant justifié son congé de maladie.

Après un avis du 2 juillet 2019 de la commission de réforme, le président du conseil départemental de l'Aube a rejeté cette demande par un arrêté du 22 juillet 2019.

Mme E... relève appel du jugement du 9 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 22 juillet 2019.

Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

En l’espèce, Mme E... qui a sollicité la reconnaissance de sa pathologie comme maladie professionnelle a été expertisée le 23 janvier 2019.

Dans son rapport, l'expert, se fondant notamment sur le compte rendu de l'imagerie par résonnance magnétique (IRM) du 30 novembre 2018, considère que Mme E... souffre d'une tendinite simple avec une arthrose acromio-claviculaire et un bec sous acromial agressif.

A l'aune de cette expertise, la commission de réforme a émis un avis défavorable en estimant que Mme E... ne souffre pas d'une maladie professionnelle reconnue dans l'annexe II tableau n° 57 du code de la sécurité sociale et qu'il existe une pathologie antérieure aggravée récemment mais dont le lien direct, certain et déterminant avec le service n'est pas démontré.

Toutefois, il ressort d'une part du courrier du 2 janvier 2018 du Dr H..., chirurgien orthopédique, que la radiographie est normale et qu'il n'y a pas de calcification de la coiffe mais qu'il ressort en revanche de l'IRM que Mme E... souffre d'une tendinopathie non rompue.

Cette analyse tend ainsi à établir que Mme E... souffre bien d'une tendinopathie non rompue non calcifiante correspondant à l'un des affections périarthiculaires reconnues dans l'annexe II tableau n° 57.

Ce diagnostic est confirmé par le compte rendu opératoire du 28 mars 2019 réalisé par le même chirurgien et est partagé tant par le Dr F..., médecin de travail qui souligne que les constations anatomiques sur l'IRM ne remettent pas en cause l'origine professionnelle que par le Dr G..., chirurgien et successeur du Dr H....

Ce médecin atteste dans son courrier du 22 avril 2021, produit pour la première fois en appel, qu' «  il ne s'agit en rien d'une pathologie arthrosique (...), ni d'une tendinopathie calcifiante [mais] d'une tendinopathie inflammatoire occasionnée par le frottement de l'acromion sur la coiffe lié à des mouvements répétés ».

Si les courriers des Drs G... et F... sont certes postérieurs à l'arrêté en litige, ils permettent d'attester de faits existant à la date de cet arrêté.

D'autre part, il ressort des pièces du dossier que Mme E..., après avoir travaillé pendant près de vingt ans comme cantinière, travaille depuis 2012 en qualité d'agent d'entretien.

Dans le cadre de ces fonctions, elle a effectué des mouvements de bras et d'épaules répétitifs pour balayer et laver les sols, nettoyé les tableaux avec les bras en hauteur, porté des chaises et fait du repassage.

Or, ces gestes sont de nature à justifier l'apparition de la pathologie dont souffre la requérante. Dans ces conditions, Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que le département de l'Aube a refusé de reconnaître sa pathologie comme étant imputable au service.

Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

SOURCE : CAA de NANCY, 2ème chambre, 09/06/2022, 21NC01403, Inédit au recueil Lebon