Après avoir traité de l'obligation de loyauté du salarié envers son employeur pendant la durée du contrat de travail, concentrons nous sur la période qui débute après la fin du contrat de travail, lorsque le contrat comporte une clause de non concurrence.

Une clause de non concurrence vise à limiter la liberté du salarié d'exercer, après la rupture de son contrat, des fonctions équivalentes chez un concurrent ou à son propre compte.

L'objectif est de protéger l'entreprise d'origine de la concurrence d'un travailleur qui a potentiellement une connaissance très importante de son mode de fonctionnement et de ses processus de travail.

Contrairement à l'obligation de loyauté, la clause de non concurrence doit être écrite et insérée dans le contrat de travail. Le contrat doit être signé afin de s'assurer du consentement du salarié.      

Une clause applicable quelle que soit le motif de la rupture du contrat de travail

La clause de non concurrence s’applique à la fin du contrat de travail, à la fin du préavis ou à la date du départ effectif du salarié lorsqu'il est dispensé de préavis par son employeur.

Elle s'applique quelle que soit le motif de la rupture du contrat de travail : démission, licenciement pour motifs personnels, licenciement pour faute grave, etc...

Les conditions d'application de la clause ne varient pas selon le mode de rupture du contrat de travail : autrement dit, l'employeur ne peut pas réduire la contrepartie financière ou aggraver les conditions afin de « punir » son ancien salarié.       

Les conditions de validité de la clause de non concurrence

La clause de non concurrence n'est valide :

« Que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives » (1)

La clause de non concurrence est valide sous les conditions suivantes :

  • Elle doit être justifiée par la protection des intérêts légitimes de l'entreprise

  • Elle est limitée dans le temps

  • Elle est limitée dans l'espace

  • L'employeur doit verser une contrepartie financière pendant le temps de validité de la clause de non concurrence        

Une clause de non concurrence abusive 

Les conditions de validité de la clause de non concurrence doivent respecter une certaine modération : en effet, il s'agit pour l'employeur d'atteindre à une liberté du salarié.

Les conditions fixées dans le contrat de travail doivent être raisonnables et ne doivent pas rendre impossible la réinstallation du salarié. Par exemple, si la société d'origine a de nombreux établissements répartis sur tout le territoire, une exclusion géographique trop importante peut rendre quasiment impossible l'installation du salarié.

La contrepartie financière de la clause de non concurrence doit être proportionnée, en fonction de plusieurs critères relatifs à l'emploi du salarié et au niveau d'exigence des conditions posées.

La contrepartie financière ne doit pas être dérisoire.

La contrepartie financière ne doit pas non plus être excessive et conférer un avantage exorbitant au salarié en fonction de la situation de l'entreprise au moment de la rupture du contrat de travail.

Si la clause de non concurrence comporte des conditions abusives, le salarié n’est pas tenu de respecter cette clause.

Attention cependant, seul le salarié peut se prévaloir de cette nullité ; l’employeur demeure tenu de verser l’indemnité compensatrice pendant la période durant laquelle le salarié a respecté la clause.   

Le salarié ne respecte pas la clause de non concurrence 

Lorsque l'employeur constate un non respect de la clause de non concurrence insérée dans le contrat de travail, il peut alors cesser le versement de la contrepartie financière et réclamer la restitution des sommes déjà versées.

Si le non respect de la clause de non concurrence crée un préjudice à l'employeur, il peut également poursuivre le salarié en justice afin d'obtenir des dommages-intérêts. A noter qu'il appartient à l'employeur d'apporter la preuve du non respect de la clause par son ancien employé.        

L'employeur renonce à la clause de non concurrence

La renonciation de l'employeur doit être claire, non-équivoque et notifiée au salarié par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception.

La renonciation de l'employeur doit intervenir en cours d’exécution du contrat de travail ou après la fin du contrat de travail, dans un délai raisonnable. 

L'employeur ne peut pas se réserver la faculté de renoncer à tout moment à la clause de non concurrence et, ainsi, au versement de la contrepartie financière prévue.

L’employeur qui ne respecte pas les modalités de renonciation prévues (en vertu du contrat de travail ou de la convention collective) se verra contraint de verser la somme au salarié.

Au regard de toutes ces obligations, il est important que, salarié ou employeur, vous fassiez rédiger et relire par un avocat une clause de non concurrence insérée dans un contrat de travail afin de comprendre l'ensemble des obligations qu'elle impose et négocier ses termes.      

 

EN BREF

  • La clause de non concurrence obéit à quatre conditions de validité : la protection des intérêts légitimes de l'employeur, une limite dans le temps, une limite dans l'espace, une contrepartie financière

  • La clause de non concurrence s'applique peu importe le motif de rupture du contrat de travail

  • Les conditions de la clause de non concurrence ne doivent pas être abusives

  • Si le salarié ne respecte pas la clause de non concurrence, l'employeur peut cesser de verser la contrepartie financière et engager une procédure contre son ancien salarié

  • Si l'employeur ne verse pas la contrepartie financière, le salarié peut cesser de respecter les conditions de la clause de non concurrence

  • L'employeur peut renoncer à l'application de la clause de non concurrence        

Me Leïla Ben Brahim
Avocate au barreau de Paris
www.benbrahim-avocat.com     

(1) Par exemple : Cass, ch. soc., 10 juill. 2002, n° 00-45135