La Cour administrative d'appel de Versailles, dans un arrêt rendu le 29 novembre 2024 (n° 24VE00661), a confirmé l'annulation de la charte départementale d'engagements des utilisateurs agricoles de produits phytopharmaceutiques dans le département du Cher. Cette décision, qui fait suite à un jugement du Tribunal administratif d’Orléans du 8 janvier 2024, représente une avancée notable dans la protection des riverains face aux risques liés aux pesticides.

I - Les faits et la procédure

La charte en question, approuvée par un arrêté préfectoral du 26 juillet 2022, a été attaquée par plusieurs associations, dont Générations Futures et l’UFC Que Choisir. Ces dernières reprochaient à la charte d’ajouter des conditions illégales, d’être insuffisamment précise sur les modalités d’information des riverains et de contenir des dispositions contraires au code rural et de la pêche maritime.

Le Tribunal administratif d’Orléans a annulé cet arrêté pour méconnaissance des articles L. 253-8 et D. 253-46-1-2 du code rural. L’État, représenté par le ministre de l’agriculture, a fait appel de cette décision, soutenu par Chambres d’agriculture France et la chambre départementale d’agriculture du Cher.

II - Les motifs de l’annulation confirmée par la Cour

La CAA a jugé que la charte était entachée de plusieurs illégalités :

  1. Ajout de conditions illégales :
    La charte permettait d’effectuer des traitements en limite de propriété en cas d’occupation irrégulière ou discontinue des bâtiments d’habitation, une condition subjective et non prévue par la réglementation. Cette disposition, contraire à l’article L. 253-8 du code rural, établissait une règle nouvelle non prévue par les normes supérieures.

  2. Modalités d’information préalables insuffisantes :
    La charte proposait un dispositif collectif basé sur la mise en ligne de bulletins indicatifs et un dispositif individuel impliquant des moyens laissés à la libre appréciation des agriculteurs (par exemple, l’utilisation de gyrophare). Ces mesures, jugées imprécises et insuffisantes, ne répondaient pas aux exigences de l’article D. 253-46-1-2 du code rural, qui impose des modalités d’information adaptées et effectives.

  3. Absence de définition claire des zones protégées :
    Les notions floues, comme les « très grandes propriétés », laissaient aux utilisateurs la tâche d’interpréter les mesures, ce qui est incompatible avec les exigences de protection des riverains.

III - Quelle est la valeur juridique des chartes ?

Les chartes d’engagements sont des instruments juridiques obligatoires, mais leur valeur reste subordonnée à leur approbation par arrêté préfectoral. Cette validation impose que les chartes soient conformes aux articles L. 253-8 et D. 253-46-1-2 du code rural, ainsi qu’aux arrêtés ministériels encadrant l’usage des pesticides.

Les dangers pour la santé des riverains

L’arrêt de la Cour met également en lumière les risques sanitaires liés à des chartes mal encadrées :

  • Exposition accrue aux pesticides : L’absence de précisions sur les modalités d’information ou la réduction des distances de sécurité compromet la protection des riverains.
  • Effets cumulatifs : L’exposition chronique aux pesticides est liée à des troubles graves (cancers, perturbations endocriniennes, maladies neurologiques).

IV - Les implications juridiques et pratiques

Cette décision pourrait avoir des répercussions importantes :

  1. Révision des chartes départementales : L’annulation d’une charte implique une mise à jour pour répondre aux exigences légales.
  2. Élargissement des contentieux : Ce jugement pourrait servir de référence pour contester d’autres chartes présentant des irrégularités similaires.
  3. Renforcement de la vigilance des préfets : Les préfets devront s’assurer que les chartes proposées respectent strictement le cadre légal et réglementaire avant leur approbation.

Conclusion

L’arrêt de la CAA de Versailles réaffirme que la protection des populations riveraines prime sur les adaptations locales favorisant la souplesse des utilisateurs de produits phytopharmaceutiques. Il rappelle également aux pouvoirs publics et aux acteurs agricoles que toute dérogation ou imprécision peut être sanctionnée par le juge administratif. Cette jurisprudence renforce l’importance de l’information, de la transparence et du respect des distances de sécurité pour protéger les droits et la santé des citoyens.