Le testament olographe n'encourt pas la nullité malgré l’absence de date, ou lorsqu’il est daté par un tiers, dès lors que des éléments intrinsèques, corroborés par des éléments extrinsèques, conduisent à établir sa validité.
L’article 970 du code civil dispose que pour être valable, le testament olographe doit être écrit en entier, daté et signé de la main du testateur. Néanmoins, la Cour de cassation estime qu’en dépit de son absence de date, un testament olographe n'encourt pas la nullité dès lors que des éléments intrinsèques à l'acte, éventuellement corroborés par des éléments extrinsèques, établissent qu'il a été rédigé au cours d'une période déterminée et qu'il n'est pas démontré qu'au cours de cette période, le testateur ait été frappé d'une incapacité de tester ou ait rédigé un testament révocatoire ou incompatible (Cour de cassation, Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA 22 novembre 2023, Pourvoi n° 21-17.524).
En l’espèce, deux frères sont appelés à la succession de leur frère décédé le 7 octobre 2015. L’un d’entre eux fait état d’un testament olographe le désignant comme légataire universel rédigé au verso d'un relevé de compte bancaire arrêté au 31 mars 2014 et signé du testateur mais non daté.
L’autre conteste ce testament au motif que lorsque le testament ne comporte, de la main même du testateur, aucun élément indicatif de la date de sa rédaction, la date imprimée sur le papier portant testament n'est pas un élément intrinsèque contenant le principe et la racine de la date du testament permettant de recourir à des éléments extrinsèques pour reconstituer celle-ci, et qu'en déclarant valable le testament litigieux, dépourvu de date manuscrite, au vu de la date imprimée d'un relevé bancaire donnant la valorisation d'une épargne à la date du 31 mars 2014, la cour d'appel a violé l'article 970 du code civil.
Mais la Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre l’arrêt en jugeant qu’en dépit de son absence de date, un testament olographe n'encourt pas la nullité dès lors que des éléments intrinsèques à l'acte, éventuellement corroborés par des éléments extrinsèques, établissent qu'il a été rédigé au cours d'une période déterminée et qu'il n'est pas démontré qu'au cours de cette période, le testateur ait été frappé d'une incapacité de tester ou ait rédigé un testament révocatoire ou incompatible.
La Cour retient qu’ayant relevé, d'une part, que le testateur avait établi son testament au verso de l'original d'un relevé de banque donnant la valorisation d'une épargne au 31 mars 2014 et y avait indiqué l'adresse de son domicile, laquelle correspondait à celle figurant sur le relevé, et, d'autre part, que l'intéressée avait été hospitalisée à compter du 27 mai 2014 jusqu'à son décès, la cour d'appel a estimé, en présence de deux éléments intrinsèques, corroborés par un élément extrinsèque, que le testament avait été écrit entre ces deux dates.
De même il n'était pas démontré que le testateur était atteinte d'une incapacité de tester à cette période, pendant laquelle il n'avait pas pris d'autres dispositions testamentaires, la cour d'appel, qui en a déduit qu'il n'y avait pas lieu de prononcer la nullité du testament en raison de son absence de date, a, ainsi, légalement justifié sa décision. Le pourvoi est ainsi rejeté par la Cour de cassation.
Dans un nouvel arrêt, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence et sanctionne une cour d’appel qui s’était contentée de déclarer nul le testament litigieux en ce sens que sa date n’avait pas été rédigée par la testatrice, sans rechercher si cette irrégularité ne pouvait pas être couverte par des éléments intrinsèques à l’acte, corroborés par des éléments extrinsèques.
En l’espèce, un rapport d’expertise judiciaire a conclu à l’absence de l’apposition du « 9 » de la date du « 26 mars 2009 » sur le testament litigieux, et pour la Cour d’appel, cela suffisait à emporter la nullité. En effet, pour déclarer nul le testament olographe portant la date du 26 mars 2009, l'arrêt de la Cour d’appel de Versailles (CA Versailles 22 mars 2022 1re chambre, 1re section) retient qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire déposé que la testatrice n'est pas l'auteure du « 9 » de la date du « 26 mars 2009 » apposée sur le testament litigieux, ce dont il résulte que celui-ci n'a pas été entièrement écrit de la main de la testatrice, et que ce vice formel suffit à en emporter la nullité, sans qu'il y ait lieu d'examiner le moyen tiré de l'insanité d'esprit de la testatrice.
L’héritière se pourvoit alors en cassation en faisant grief à l'arrêt de la Cour d’appel de Versailles de déclarer nul le testament olographe du 26 mars 2009, alors qu'en dépit de l'irrégularité affectant sa date, un testament olographe n'encourt pas la nullité dès lors que des éléments intrinsèques à l'acte, corroborés par des éléments extrinsèques, établissent qu'il a été rédigé au cours d'une période déterminée et qu'il n'est pas démontré qu'au cours de cette période, le testateur ait été frappé d'une incapacité de tester ou ait rédigé un testament révocatoire ou incompatible ; qu'en déclarant nul le testament olographe du 26 mars 2009 en ce que sa date n'avait pas été rédigée par la testatrice, sans rechercher si cette irrégularité ne pouvait pas être couverte par des éléments intrinsèques à l'acte, corroborés par des éléments extrinsèques, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 970 du code civil.
Restant dans sa logique de l’arrêt du 22 novembre 2023, la Cour de cassation lui donne gain de cause, en rappelant que si selon l'article 970 du code civil, le testament olographe qui n'est pas daté de la main du testateur n'est pas valable, lorsqu'un testament olographe comporte une date dont un ou plusieurs éléments nécessaires pour la constituer ont été portés par un tiers, la nullité de celui-ci n'est pas encourue dès lors que des éléments intrinsèques à l'acte, éventuellement corroborés par des éléments extrinsèques, établissent qu'il a été rédigé au cours d'une période déterminée et qu'il n'est pas démontré qu'au cours de cette période, le testateur ait été frappé d'une incapacité de tester ou ait rédigé un testament révocatoire ou incompatible.
Or, la Cour d’appel de Versailles a jugé que le testament était nul, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, en dépit de cette irrégularité, des éléments intrinsèques à l'acte, dont faisait partie la mention « 26 mars 200 » écrite de la main de la testatrice, éventuellement corroborés par des éléments extrinsèques, ne permettaient pas d'établir que le testament avait été rédigé au cours d'une période déterminée.
L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles a donc été logiquement cassé par la Cour de cassation sur ce point.
COUR DE CASSATION 23 mai 2024, Arrêt n° 288 FS-B, Pourvoi n° W 22-17.127.
Arnaud Soton
Avocat Fiscaliste
Professeur de droit fiscal
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