La Cour de Cassation dans un arrêt du 14 février 2018 n° 16-22.335, vient encore réduire les indemnités accordées aux salariés sans papiers en cas de rupture de leur contrat de travail et de travail dissimulé.

Dans le cas d’espèce, Monsieur Ousmane B. a été embauché en qualité de second de cuisine le 4 mai 2012.

La société qui l’emploie n’a pas gardé copie du titre de séjour qui aurait été présenté lors de son embauche, ni ne l’a fait vérifier auprès de la Préfecture.

En vertu de l’article L. 5221-8 du Code du Travail, l’employeur doit en effet s’assurer dès l’embauche de l’existence d’un titre autorisant le salarié à travailler auprès de l’autorité compétente.

La Cour d’Appel, sans même analyser le fondement du licenciement pour faute grave de Monsieur Ousmane B. prononcé le 11 septembre 2013, déduit de l’absence d’autorisation de travail du salarié, que ce dernier doit être indemnisé par l’indemnité forfaitaire prévu par l’article L.8252-2 du Code du Travail en cas de rupture du contrat de travail d’un salarié sans papier.

 

L’article L. 8252-2 du Code du Travail prévoit que :

« Le salarié étranger a droit au titre de la période d'emploi illicite : 

(…)

En cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire, à moins que l'application des règles figurant aux articles L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1243-4 et L. 1243-8 ou des stipulations contractuelles correspondantes ne conduise à une solution plus favorable. »

 

La Cour d’appel octroie donc à Monsieur Ousmane B. une indemnité forfaitaire de trois mois de salaire en raison de la rupture de son contrat de travail.

Par ailleurs, Monsieur Ousmane B. soutient avoir réalisé des heures supplémentaires qui n’ont pas été déclarées sur ses bulletins de salaire.

La Cour d’Appel constate en effet que Monsieur Ousmane B. a touché en début de contrat des « primes exceptionnelles » qui correspondaient en réalité au paiement d’heures supplémentaires non mentionnées sur le bulletin de paye.

La Cour d’Appel en déduit à juste titre qu’il s’agit de travail dissimulé. La volonté de l’employeur d’omettre la mention d’heures supplémentaires sur le bulletin de salaire étant établi.

Elle octroie donc à Monsieur Ousmane B. une indemnité pour travail dissimulé correspondant à six mois de salaire (L. 8223-1 du Code du Travail).

La Cour de Cassation, saisi du dossier et statuant dans sa décion du 14 février 2018 n° 16-22.335, annule la décision de la Cour d’Appel au motif qu’elle a permis au salarié sans papier de cumuler les indemnités dues au titre de la rupture de son contrat de travail et du travail dissimulé.

 

La Cour de Cassation motive sa décision au visa de l’article L.8252-2 du Code du Travail qui dispose que :

« Lorsque l'étranger non autorisé à travailler a été employé dans le cadre d'un travail dissimulé, il bénéficie soit des dispositions de l'article L. 8223-1, soit des dispositions du présent chapitre si celles-ci lui sont plus favorables. »

 

La Cour de Cassation annule la décision de la Cour d’Appel par ce considérant :

« Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des dispositions légales que le salarié ne pouvait prétendre qu'à l'une ou l'autre des indemnités, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; »

 

Cette décision est particulièrement critiquable non seulement car elle réduit encore plus les possibilités d’indemnisation des salariés sans papiers – salariés souffrant pourtant déjà d’un régime discriminatoire imposé par le Code du Travail - mais encore, car en l’espèce, elle semble erronée en droit.

En effet, dans le cas d’espèce, Monsieur Ousmane B. n’a pas été « employé dans le cadre d’un travail dissimulé ». Il ressort de la décision que l’emploi de Monsieur Ousmane B. était déclaré aux organismes sociaux, ce dernier recevait des bulletins de salaire.

Le travail dissimulé constaté par la Cour d’Appel résultait d’une dissimulation des heures supplémentaires sur les bulletins de paye. Le travail dissimulé n’était donc pas le cadre de la relation d’emploi mais intervenait à la marge sur les heures supplémentaires.

Ce n’est malheureusement pas l’avis de la Cour de Cassation qui ferme encore une voie à l’indemnisation des nombreux préjudices subis par les salariés sans papiers.