Dans une décision du 16 février 2022 n°20-17622, la Cour de Cassation vient préciser la possibilité pour le CSE d’établissement de recourir à une expertise pour projet important lorsque ledit projet est un projet global de l’entreprise.

 

1. La Cour de Cassation rappelle en premier lieu la possibilité pour le CSE d’établissement comme pour le CSE central de recourir à une expertise concernant un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou es conditions de travail.

Cette possibilité est prévue à l’article L. 2315-94 alinéa 2 du Code du Travail.

 

De nombreuses illustrations ont déjà été données concernant la notion de projet important tel qu’un déménagement (Cour de Cassation, 12 mai 2021, n°19-24692), un changement des horaires de travail (Pris sous l’égide d’anciens textes Cour de Cassation, 24 octobre 2020, n°98-18240).

 

Dans le cas d’espèce, jugé par la Cour de Cassation aucune des parties ne contestaient la qualification du projet important en cause. En effet, il s’agissait d’un projet de la société CARREFOUR ayant pour objet de passer au niveau national un certain nombre de magasins qui étaient en gestion directe à une gestion en location gérance ou en franchise.

 

Le projet au niveau national avait été soumis au CSE central en 2018 et une expertise pour projet important au niveau du CSE Central avait été votée et réalisée.

 

Cependant, lors de la mise en place du Projet en 2020, le CSE d’établissement d’un des établissements concernés est consulté et vote une expertise projet important. Cette expertise est contestée et annulée par le Tribunal Judiciaire Compétent. C’est la décision objet du pourvoi en cassation formé par le CSE d’établissement.

 

2. Dans son arrêt, la Cour de Cassation précise ensuite le champ de compétence du CSE d’établissement. Ce champ de compétence est précisé à l’article L. 2316-20 du Code du Travail qui rappelle que le CSE d’établissement a les mêmes compétences que le CSE Central dans la limite des pouvoirs confiés au chef d’établissement.

 

Le champ de consultation du CSE d’établissement porte donc uniquement sur les décisions spécifiques à l’établissement et qui relève de la compétence du chef de l’établissement.

 

3. Continuant son exposé didactique, la Cour de Cassation raisonne par syllogisme : le recours à l’expertise pour projet important au niveau du CSE d’établissement est possible à condition que cela relève de la compétence du CSE d’établissement.

 

4. La Cour déroule le raisonnement : le recours à l’expertise par le CSE d’établissement n’est donc possible dans le cadre d’un projet important que dans le cas où il existe des mesures d’adaptation spécifiques à l’établissement.

 

5. Appliquant ce raisonnement au cas d’espèce, la Cour de Cassation confirme la décision du Tribunal Judiciaire qui avait apprécié souverainement que le projet en cause n’avait pas d’incidences sur la santé, la sécurité et les conditions de travail des salariés qui seraient propres à l’établissement.

 

6. Un des enseignements de cet arrêt est que le cumul d’expertise au niveau du CSE Central et du CSE d’établissement est possible à condition pour le CSE d’établissement de pouvoir démontrer des spécificités propres à son établissement qui ont une incidence sur la santé et la sécurité des salariés de l’établissement.

 

7. Le deuxième enseignement de cette décision est qu’il faudra dans ce cas pour le CSE d’établissement être extrêmement spécifique et apporter un maximum d’éléments probatoires au Tribunal Judiciaire pour démontrer la réalité de la spécificité du projet au niveau de l’établissement. En effet, la Cour de Cassation semble sur le point de l’appréciation du caractère spécifique du projet à l’établissement s’en remettre à la souveraineté du juge du fond.

 

8. Pourtant dans le cas d’espèce, le CSE d’établissement avait tenté d’apporter la preuve de spécificité du projet à l’établissement. Il avait, à notre sens, de bons arguments à son actif pour cela.

 

En effet, le CSE d’établissement expliquait qu’en fonction du choix du locataire gérant pour l’établissement en cause et de ses choix spécifiques d’organisation du travail dans l’établissement les conséquences sur la santé et la sécurité des salariés étaient propres à l’établissement et devaient donc être analysées et expertisées à son niveau.

 

9. Cette argumentation pourtant solide n’a pas retenue le choix du juge judicaire, la Cour de Cassation quant à elle ayant vérifié la mise en œuvre du raisonnement attendu par le juge de première instance : elle  rejette le pourvoi.

 

10. Pour conclure, un cumul d’expertise au niveau du CSE central et du CSE d’établissement est possible : il s’agira de souligner les problématiques spécifiques à l’établissement et d’en convaincre le juge dès la première instance.