L'ouverture d'une mesure de protection est subordonnée à la constatation médicale de l'altération des facultés mentales ou des facultés corporelles empêchant l'expression de la volonté (C. civ. art. 425).
1. Conditions de placement sous curatelle renforcée
La mise en place d'un régime de protection juridique, quelle que soit sa nature (sauvegarde de justice, tutelle ou curatelle) suppose une altération des facultés personnelles d'une certaine gravité et d'une certaine durée.
S'agissant des causes propres à justifier la mise en place d'un régime de protection :
- Une altération des facultés corporelles provoquant une simple gêne de l'expression de la volonté n'est pas suffisante ; la solution est conforme au principe de nécessité qui doit gouverner l'ouverture de toute mesure de protection juridique ;
- Dans les faits, les juges pourront donc être amenés à apprécier, dans chaque cas d'espèce, toutes sortes de troubles susceptibles de modifier le discernement du majeur et d'emporter un besoin de représentation ou d'assistance ;
- La prodigalité, l'intempérance ou l'oisiveté ne sont plus des agissements susceptibles de justifier l’ouverture d’une mesure de sauvegarde de justice ou de curatelle.
2. Décision de la Cour d’appel de CAEN du 25 janvier 2017
Dans son rapport médical circonstancié, le Docteur P. précise que Mme X. connaît une altération de ses facultés mentales avec troubles cognitifs (perte de mémoire épisodique et probablement quelques troubles du jugement) pouvant évolués plus ou moins rapidement compte tenu de l'âge de l'intéressée.
Il conclut à la nécessité d'une mesure de protection avec assistance dans la gestion du budget, le règlement des factures et les formalités administratives.
Il est acquis que depuis l'instruction du dossier en première instance la situation de Mme X. a évolué dans le sens d'une diminution des capacités cognitives provoquée par une altération des facultés mentales, l'âge et la nature de l'affection pouvant accélérer plus ou moins la perte des capacités cognitives.
Cette altération empêche Mme X. de pouvoir seule à ses intérêts.
Elle a d'ailleurs recours à ses filles pour l'assister dans le suivi de ses comptes et démarches.
Elle a donné procuration à deux d’entre elles.
Une mesure de tutelle n'est pas adaptée et serait trop contraignante eu égard à l'état de santé de Mme X.
Il est impossible de recourir aux règles de la représentation de droit commun (les procurations ne suffisent plus).
Une mesure de sauvegarde de justice s'avère insuffisante (car elle est temporaire).
La mesure de curatelle qui permet à Mme X. de donner son avis est adaptée à la situation de la majeure protégée.
La nécessité d'assurer un suivi régulier des revenus et dépenses de Mme X. conduit à prononcer la mise en place d'une curatelle renforcée, pour une durée de 60 mois.
3. Choix du curateur : rappel du principe de priorité familiale
Mme X. a exprimé le vœu de voir la mesure confiée à un membre de sa famille.
Cette volonté, qui est conforme à l'esprit de la loi du 2007/308 du 5 mars 2007, doit être respectée, ce d'autant que Mme X. est aidée par ses deux de ses filles Mme Y. et Mme Z.
La querelle entre certains enfants dans le cadre de la succession de la fille aînée de la majeure protégée, décédée en 2015, ne peut justifier le recours à une curateur extérieur.
Mme Z. sera désignée en qualité de curatrice de sa mère pour l'assister dans la gestion de ses ressources, de l'administration de ses biens et de sa personne[1].
L’ESSENTIEL À RETENIR
L’ouverture d’une mesure de protection juridique est justifiée par l’état de santé de Mme X. et répond à ses besoins.
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Claudia CANINI
Avocat à la Cour - CNC MJPM
À rapprocher de nos précédentes publications : Choix du tuteur : la préférence familiale est affirmée !
Choix du curateur : la Cour d’appel de TOULOUSE applique la préférence familiale !
[1] Cour d'appel, Caen, 3e chambre civile, 25 Janvier 2017 – n° 16/01673
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