Le forfait jours de la DRH est privé d’effet.
La DRH obtient 92 000 euros au titre de rappel d’heures supplémentaires et non respect des durées maximales.
Le jugement départage du conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt du 6 décembre 2024 n’est pas définitif.
1) EXPOSE DU LITIGE
La société X a pour activité la vente d’objets pour la maison.
Par contrat de travail à durée indéterminée du 18 janvier 2016, la société X a embauchée Mme Z en qualité de directrice des ressources humaines (DRH), statut cadre position 3.2 coefficient 210 de la convention collective Syntec, contre une rémunération de 100 000 euros brute annuelle pour 37,5 heures de travail hebdomadaire et 10 jours de RTT par an.
Par avenant du 29 avril 2016, les parties ont convenu d’une convention de forfait jours.
A compter du 1er février 2022, Mme Z a été promue au poste de DRH de l’unité business du groupe Y. Son salaire mensuel a été augmenté à 11 451 euros bruts.
Le 5 décembre 2022, l’employeur a convoqué Mme Z à un entretien préalable à un éventuel licenciement, devant se tenir le 14 décembre 2022. Mme Z ne s’est pas rendue à cet entretien.
Par courrier du 22 décembre 2022, l’employeur a notifié à Mme Z son licenciement.
Par requête du 14 décembre 2022, Mme Z a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt afin de solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail et diverses indemnités. L’affaire a été enrôlée sous le numéro RG.
Par requête du 14 février 2023, Mme Z a saisi à nouveau le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt afin de solliciter l’annulation de son licenciement et diverses indemnités. L’affaire a été enrôlée sous le numéro RG.
Les parties ont été convoquées devant le bureau de conciliation et d’orientation. Faute de conciliation, elles ont été renvoyées devant le bureau de jugement à l’audience du 9 novembre 2023 et mise en délibéré. A l’issue, les conseilleurs de prud’hommes se sont mis en partage de voix.
L’affaire a été mise en délibéré au 6 décembre 2024.
2) MOTIFS
Les demandes des parties tendant à voir « dire et juger » ou « constater » ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile et ne donneront pas lieu à mention au dispositif.
2.1) Sur la convention de forfait-jours
Selon l'article L. 3121-55 du code du travail, issu de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, « la forfaitisation de la durée du travail doit faire l'objet de l'accord du salarié et d'une convention individuelle de forfait établie par écrit. »
L'article L. 3121-46 du code du travail, dans sa rédaction applicable au début de la relation contractuelle jusqu'au 10 août 2016, prévoit qu'un entretien annuel est organisé par l'employeur avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année qui porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur la rémunération du salarié.
L'article L. 3121-60, dans sa rédaction applicable au litige à compter du 10 août 2016, prévoit que l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.
Lorsque l'employeur ne respecte pas les stipulations de l'accord collectif qui a pour objet d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié et de son droit au repos, la convention de forfait en jours est privée d'effet de sorte que le salarié peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre.
Au cas présent, les parties ont convenu, par avenant au contrat de travail du 29 avril 2016, de la mise en place d’une convention individuelle de forfait-jours en raison de l’appartenance de la salariée à la catégorie des cadres autonomes, telle que définie par l’article 4.1 de l’accord national du 33 juin 1999 sur la durée du travail et sur la durée de travail de la branche dite Syntec, révisé le 1°" avril 2014 et étendu par arrêté du 26 juin 2014 du ministère du travail publié au journal officiel du 4 juillet 2014.
La durée du travail de Mme Z est déterminée en nombre de jours travaillés porté à 218 jours.
La convention de forfait-jours prévoit un article 4.3 relatif à l’amplitude des journées de travail, l’obligation de déconnexion et les entretiens individuels annuels et jours de repos. Il est prévu :
- une liberté d’organisation de la salariée dans son temps de travail sous réserve de :
o un repos quotidien minimum de 11 heures consécutives,
o un repos hebdomadaires de 35 heures minimum consécutives (24 heures + 11 heures),
- une obligation à la déconnexion des outils de communication à distance pendant la durée de ces périodes de repos, la salariée doit adresser chaque mois à la direction un relevé déclaratif précisant le nombre et la date des jours travaillés, le nombre et la date des jours de repos pris selon leur qualification et indiquant si les durées minimales de repos quotidien et hebdomadaires ont été respectées, et ce selon la fiche établie par la société qui sera validée par Mme Z et son supérieur hiérarchique,
- la tenue de deux entretiens au cours de chaque année de référence pour examiner l’adéquation de la charge de travail de Mme Z et le temps de travail qui lui est imparti, avec établissement d’un compte-rendu écrit et signé par chacune des parties,
- à la demande de la salariée, l’instauration d’une visite médicale distincte,
- la possibilité pour la salariée de renoncer à une partie de ses jours de repos au titre d’une année de référence en contrepartie d’une majoration de salaire de 20% de sa rémunération jusqu’à 2022 jours et 35% au-delà, la renonciation doit être acceptée par l’employeur et faire l’objet d’un avenant à la convention de forfait.
Mme Z fait valoir que la société n’a jamais mis en place d’outil de suivi du temps de travail et d’entretiens individuels annuels.
L’employeur fait valoir qu’il revenait à Mme Z en qualité de DRH de mettre en place un outil de suivi du temps de travail pour l’ensemble des salariés de l’entreprise soumis à une convention de forfait-jours. A ce titre, l’employeur produit le compte-rendu d’entretien annuel de Mme Z établi le 27 août 2021 par Mme W. Parmi les objectifs fixés pour la période du 1” janvier 2021 au 29 juin 2021, figure l’établissement des relevés de forfait-jours 2020 et Q1 2021 dans les temps. Cet objectif est indiqué comme « non commencé ».
Néanmoins, il n’est établi la fixation de cet objectif qu’à compter du 1* janvier 2021, or, d’une part la convention individuelle de forfait-jours de Mme Z date du 29 avril 2016, d’autre part, il revient à l’employeur de faire le nécessaire pour mettre en place un tel dispositif.
La convention individuelle de forfait-jours sera donc privée d’effet et permet à la salariée de prétendre au paiement d’heures supplémentaires.
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Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
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