L’agent commercial est défini comme un mandataire qui, à titre de profession indépendante, est chargé de négocier et éventuellement de conclure des contrats de ventes, d’achats, de locations ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale (article L 134-1 du code de commerce). 

Son statut est défini par les articles L.134-1 et suivants du Code du Commerce, ainsi que par la directive européenne 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants.

En l'absence de disposition sur ce point, il était d'usage d'insérer des périodes d'essai dans ces contrats d'agents commerciaux, permettant au commettant, en cas de rupture durant cette période, de ne pas payer l'indemnité prévue aux articles L.134-12 et L.134-13 du Code de Commerce. Rappelons que cette indemnité a pour fonction d'indemniser l'agent commercial pour le préjudice lié à la rupture, notamment pour la perte de la clientèle développée pendant la durée du contrat en cas de rupture de son contrat, sauf exception citée par le Code du Commerce (faute grave de l'agent commercial ou cessation du contrat à son initiative notamment).

La Cour de Cassation reconnaissait la validité de telles clauses, en indiquant notamment que le statut des agents commerciaux, prévu dans le Code de Commerce, n'interdisait pas une telle période d'essai (voir notamment Cass. Com 23 juin 2015, n° 14-17894).

La Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) dans un arrêt en date du 19 avril 2018, rendu sur question préjudicielle de la Cour de cassation française, (Cass com 6 décembre 2016 n°15-14212) va mettre un coup d'arrêt à cette pratique.

La CJUE rappelle que le statut des agents commerciaux est régi par la directive n° 86/653/CEE précitée. Elle indique également que rien, dans cette directive, n'interdit de prévoir une période d'essai dans les contrats d'agents commerciaux.

Cependant, elle ajoute que : "les régimes d’indemnisation et de réparation prévus dans cette directive, visent non pas à sanctionner la rupture du contrat, mais à dédommager l’agent commercial pour ses prestations passées dont le commettant continue à bénéficier au-delà de la cessation des relations contractuelles ou pour les frais et dépenses qu’il a exposés aux fins de ces prestations. Par conséquent, l’agent ne saurait être privé de l’indemnité ou de la réparation au seul motif que la cessation du contrat d’agence commerciale est intervenue pendant la période d’essai, dès lors que les conditions d’octroi de ces indemnités, prévues par la directive, sont satisfaites… »

Elle juge donc que : " L’article 17(1)de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, doit être interprété en ce sens que les régimes d’indemnisation et de réparation que cet article prévoit, respectivement à ses paragraphes 2 et 3, en cas de cessation du contrat d’agence commerciale, sont applicables lorsque cette cessation intervient au cours de la période d’essai que ce contrat stipule." (CJUE, Arrêt du 19 avril 2018, C-645/16)

Ainsi, la rupture d'un contrat d'agent commercial durant la période d'essai ne prive pas nécessairement l'agent commercial d'une indemnisation, dès lors que les conditions d'octroi d'une telle indemnisation sont réunies.

(1) Article 17 alinéa 1 d la directive : "1.   Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer à l'agent commercial, après cessation du contrat, une indemnité selon le paragraphe 2 ou la réparation du préjudice selon le paragraphe 3.(...)"

Me Claire-Hélène BERNY

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