CA LYON, 06 février 2024, RG n° 20/06233

CA RENNES, 07 février 2024, RG n° 21/06442*

Par ces arrêts, les Cours d'appel de LYON et RENNES reviennent sur la délicate question de la mise à disposition des certificats médicaux de prolongation dans le cadre de l’instruction d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail.

Par le passé, nous avions déjà évoqué cette question essentiellement juridique qui fait l’objet d’un véritable flou jurisprudentiel.

Conformément aux dispositions du code de la sécurité sociale, la CPAM est tenue d'informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision.

Plus précisément, parmi les documents listés par les dispositions du code, le dossier constitué par la CPAM doit comprendre « les divers certificats médicaux détenus par la caisse » (Article R. 441-14 du CSS). En l’absence d’un de ces éléments, ceci est sanctionné par l’inopposabilité de la décision de prise en charge en faveur de l’employeur (Cass. civ. 2ème, 24 mai 2017, n° 16-17.728). L’absence d’ambiguïté du texte susvisé laisse clairement entendre qu’outre le certificat médical initial, la CPAM se doit de mettre à disposition les certificats médicaux de prolongation prescrits au salarié au jour de la clôture de l’instruction. Sur ce point, la Cour de cassation ne s’est encore véritablement jamais prononcée sur la question et la jurisprudence des juges du fond est assez fluctuante d’une Cour d’appel à une autre.

Telle était la problématique qui était soulevée dans les deux arrêts commentés. Dans chaque cas d'espèce, suite à une déclaration respective d'un accident et d'une maladie par les salariés concernés, la CPAM a diligenté une instruction. Après enquête, celle-ci a reconnu l'origine professionnelle de l'accident et de la maladie déclarés.

Les employeurs respectifs ont chacun contesté la décision de prise en charge en invoquant une violation du principe du contradictoire et, plus particulièrement, l'absence de mise à sa disposition des certificats médicaux de prolongation.

Après avoir rappelé les dispositions du CSS applicables en la matière, chacune des deux Cours d'appel rend une décision opposée sur cette question.

La Cour d'appel de Lyon relève que la CPAM reconnaissait ne pas avoir mis à disposition les CMP. Or, pour elle, parmi les « divers certificats » désignés de manière large par l'article précité, doivent figurer au dossier mis à la disposition de l'employeur, notamment tous les CMP qui sont en possession de la CPAM au moment où elle clôture son instruction et ce, d'autant plus que ces certificats sont susceptibles de faire grief à l'employeur, y compris au stade de l'examen de l'origine de l'accident du travail.

A défaut, il s'agit d'une méconnaissance du principe du contradictoire sanctionnée par l'inopposabilité de la décision de prise en charge.

Au contraire, de son côté, la Cour d'appel de RENNES juge que le dossier mis à disposition de l'employeur contient l'ensemble des éléments sur lesquels la CPAM entend s'appuyer pour prendre sa décision.

Or, pour elle, les CMP emportent des conséquences uniquement sur la durée de l'incapacité de travail avant consolidation de la victime et non sur la décision de prise en charge de la maladie déclarée.

Aussi, en leur absence, aucune violation du principe du contradictoire ne peut être invoquée par l'employeur.

Aussi, encore aujourd’hui, le débat reste pleinement ouvert sur cette question, d’autant plus que les nouvelles règles applicables depuis le 1er décembre 2019 n’ont apporté aucune précision sur ce point.

Maître Florent LABRUGERE

https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/ 

Avocat au Barreau de LYON

Droit du travail – Droit de la sécurité sociale

N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.