CA COLMAR, 08 septembre 2023, RG n° 23/00222 *

Par cet arrêt, la Cour d'appel de COLMAR est amenée à apprécier la compétence des juridictions prud’homales françaises dans le cadre d’un litige international, auquel s’ajoutait la question de la loi applicable.

En la matière, il existe une règlementation spécifique au niveau du droit de l’Union européenne.

Plus particulièrement, sur la compétence, il convient de se reporter au Règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit Règlement Bruxelles I bis.

L’article 21 dudit règlement prévoit qu’un employeur domicilié sur le territoire d’un État membre peut être attrait :

a) devant les juridictions de l’État membre où il a son domicile ;
ou
b) dans un autre État membre :

i) devant la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant la juridiction du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail ;
ou
ii) lorsque le travailleur n’accomplit pas ou n’a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant la juridiction du lieu où se trouve ou se trouvait l’établissement qui a embauché le travailleur.

L’article 23 précise qu’une clause attributive de juridiction ne peut déroger aux compétences susvisées, hormis si :

1) elle est conclue postérieurement à la naissance du différend ;
ou
2) elle permet au travailleur de saisir d’autres juridictions que celles indiquées précédemment.

S’agissant de la question de la loi applicable, on se reportera cette fois-ci au Règlement n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, dit Règlement Rome I.

Sur l’articulation de la question de la juridiction compétente et la loi applicable, la Cour de cassation a récemment rappelé que l'appréciation de cette compétence n'est pas subordonnée à la détermination préalable de la loi applicable au contrat de travail (Cass. soc., 17 janvier 2024, n° 22-16.107).

Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.

En l’espèce, il était question d’un salarié qui a été embauché par une société de droit allemand en qualité d'ingénieur projet dans le domaine automobile. Le salarié a été mis à disposition d'une société française jusqu'à la crise sanitaire de 2020, moment où il a été mis en activité partielle.

Après avoir été placé en arrêt de travail, le salarié a saisi le Conseil de prud'hommes de Strasbourg pour faire valoir des irrégularités quant à sa situation.

En cours de procédure, la question de la compétence des juridictions françaises s'est posée.

Après avoir rappelé des textes précités, la Cour d'appel note que le salarié a conclu un contrat de travail avec une société dont le siège est situé en Allemagne, ce qui permet de retenir la compétence des juridictions allemandes en application du premier critère de l'article 21.

Cependant, le salarié n'a jamais travaillé en Allemagne. En effet, dès son embauche, il a été mis à la disposition d'une entreprise française située dans le département du Doubs jusqu'au 31 mars 2020, avant d'être placé en chômage partiel puis en arrêt de travail. Les juridictions françaises se trouvent donc également compétentes en application du deuxième critère de l'article 21.

Ainsi, selon la Cour, en l'absence de hiérarchisation entre les différents critères de compétence, le demandeur pouvait donc saisir au choix les juridictions allemandes ou les juridictions françaises.

Par ailleurs, si le contrat de travail contient une clause attributive de compétence à la juridiction de Karlsruhe, cette clause est toutefois sans incidence sur la compétence internationale et n'est donc pas opposable au requérant.

Enfin, la loi applicable au litige n'est pas un critère de compétence prévu par le règlement européen.

Dès lors, elle juge que c'est à tort que le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent au profit des juridictions allemandes au motif que la loi allemande était applicable au litige.

Cet arrêt souligne le raisonnement à tenir en présence d’un contentieux international :  on détermine, en premier lieu, la juridiction compétence avant de s’intéresser, dans un second temps, à la loi applicable, avant, enfin, de trancher le litige au fond.

Maître Florent LABRUGERE

https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/ 

Avocat au Barreau de LYON

Droit du travail – Droit de la sécurité sociale

N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.