Le Conseil d'État (CE, réf., 14 nov. 2008, n° 315622 : JurisData n° 2008-074498) affirme la compétence de la juridiction administrative pour connaître de la demande d'annulation d'une décision soumettant un détenu à un régime de fouilles corporelles intégrales.


Un détenu était fouillé quatre à huit fois par jour lors de ses extractions du centre de détention nécessitées par ses comparutions devant les juridictions judiciaires, réalisées par des agents de l'administration pénitentiaire et faisant l'objet d'un enregistrement audiovisuel, conformément à la circulaire du garde des Sceaux du 9 mai 2007.

Un tel régime relève t’il d’une atteinte à la liberté individuelle ou de l’organisation du service public de la justice ?

L’article 66 de la Constitution dispose « L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. ».

Le Conseil d’Etat estime que s’il n'appartient qu'au juge judiciaire de connaître des actes relatifs à la conduite d'une procédure judiciaire ou qui en sont inséparables. En revanche, les décisions par lesquelles les autorités pénitentiaires, afin d'assurer la sécurité générale des établissements ou des opérations d'extraction, décident de soumettre un détenu à des fouilles corporelles intégrales, dans le but de prévenir toute atteinte à l'ordre public, relèvent de l'exécution du service public administratif pénitentiaire.

Il en va ainsi, dit la Haute Juridiction, alors même que les fouilles sont décidées et réalisées à l'occasion d'extractions judiciaires, destinées à assurer la comparution d'un détenu, sur ordre du procureur de la République, y compris lorsque les opérations de fouille se déroulent dans l'enceinte de la juridiction et durant le procès.

S’inspirant de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme le Conseil d’Etat impose cependant à l'Administration de justifier de la nécessité de ces opérations de fouille et de la proportionnalité des modalités retenues.

Si les nécessités de l'ordre public et les contraintes du service public pénitentiaire peuvent légitimer l'application à un détenu d'un régime de fouilles corporelles intégrales répétées, c'est à la double condition que :

- le recours à ces fouilles soit justifié, notamment, par l'existence de suspicions fondées sur le comportement du détenu, ses agissements antérieurs ou les circonstances de ses contacts avec des tiers ;

- elles se déroulent dans des conditions et selon des modalités strictement et exclusivement adaptées à ces nécessités et ces contraintes.

De beaux principes pour valider une atteinte à la dignité humaine, car il est difficile d’admettre qu’il est rigoureusement nécessaire de procéder à une fouille corporelle intégrale jusqu'à huit fois par jour, pour garantir la sécurité. Abus en tout nuit !