Bail à construction et obligation d'entretien
Le régime du bail à construction ne comporte que peu de dispositions régissant les obligations des parties concernant l'entretien des bâtiments.
Le Code se limite à indiquer que "Le preneur est tenu de toutes les charges, taxes et impôts relatifs tant aux constructions qu'au terrain" et que "Il est tenu du maintien des constructions en bon état d'entretien et des réparations de toute nature" (Code de la construction et de l'habitation, article L251-4).
En effet, "Constitue un bail à construction le bail par lequel le preneur s'engage, à titre principal, à édifier des constructions sur le terrain du bailleur et à les conserver en bon état d'entretien pendant toute la durée du bail" (Code de la construction et de l'habitation, article L251-1).
Le statut ne comporte aucune disposition spécifique en matière d'amiante ou de matériaux dangereux.
Bail à construction, comment appliquer son régime à l'amiante ?
Saisi par un bailleur se plaignant de ce que le preneur lui avait rendu un bâtiment amianté en fin de bail, la Cour d'appel de Rouen a été contrainte de trancher la question.
Le juge considère que les obligations résultant de ces textes ne permettent pas au bailleur d'exiger la remise d'un bâtiment désamianté en fin de bail, faute de clause l'ayant expressément prévu :
"S'agissant des obligations du preneur à l'égard du bâtiment édifié sur le terrain loué, le bail à construction se trouve soumis aux dispositions spéciales de l'article L. 251-4 du code de la construction et de l'habitation précitées.
En l'espèce, le bail à construction conclu entre les parties le 28 juin 1989 prévoit que les constructions devront être édifiées conformément aux règles de l'art, aux prescriptions réglementaires et aux obligations résultant du permis de construire et que le preneur devra, pendant toute la durée du bail, conserver en bon état d'entretien les constructions édifiées et tous les aménagements qu'il y aura apportés et effectuer, à ses frais et sous sa responsabilité, les réparations de toute nature, y compris les grosses réparations définies par l'article 606 du code civil et par l'usage.
Ainsi, le bail en cause ne met pas à la charge du preneur une obligation de mettre en conformité le bâtiment construit sur le terrain loué à d'éventuelles nouvelles normes, la société Celtat étant seulement tenue de restituer à l'expiration du bail un bâtiment en bon état d'entretien." (Cour d'appel de Caen, 20 mars 2025, n°23/02177).
Quelle solution faute de clause spéciale concernant l'obligation de mettre en conformité les bâtiments ?
Le juge considère qu'il appartient au bailleur de prouver que la toiture en amiante était dans un état d'entretien tel que son remplacement ou sa couverture était nécessaire, puisque le preneur n'était tenu que d'une obligation d'entretien.
Analysant les éléments produits par le bailleur, il constate que l'état de dégration n'est pas prouvé, écarte la responsabilité du preneur et rejette la demande d'injonction du bailleur :
"Or il ressort du rapport amiable établi le 11 septembre 2020 à la demande du bailleur, soit dix-neuf jours avant l'expiration du bail, corroboré par les photographies annexées et par le diagnostic amiante établi le 15 octobre 2020 (pièce appelante n°6), d'une part, que la couverture est dans l'ensemble en bon état, que les plaques de fibrociment ne présentent pas de fissures apparentes et sont exemptes de végétation tels que lichens et mousses et que, vu leur ancienneté, la pérennité de ces éléments préfabriqués n'est cependant plus assurée à court et moyen terme, si bien que leur remplacement est à programmer dans un avenir assez proche, d'autre part, que le diagnostic amiante réalisé quinze jours après l'expiration du bail conclut à la nécessité d'une évaluation périodique et non d'une action de protection immédiate du matériau de la toiture.
Il s'ensuit qu'à la date d'expiration du bail à construction litigieux le bâtiment édifié par le preneur était en bon état d'entretien et ne nécessitait pas de travaux de désamiantage ni de remplacement de couverture, de sorte qu'aucun manquement à ses obligations contractuelles ne saurait être imputé au preneur et que le rejet des demandes du bailleur au titre de ces travaux doit être confirmé." (Cour d'appel de Caen, 20 mars 2025, n°23/02177).
Comment interpréter ou rédiger les clauses du bail à construction ?
L'interprétation du bail à construction est donc fonction de son régime propre, et il convient de se garder de tout raisonnement appuyé sur le droit commun du louage, ce que le juge écarte expréssement :
"l'intimée soutient qu'en application du droit commun du bail la mise à la charge du preneur des travaux résultant de la vétusté ou nécessités par une mise en conformité doivent faire l'objet d'une clause expresse du bail, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, que le preneur n'est tenu que d'une remise en état des lieux en état d'usage normal, que le rapport non contradictoire produit par le bailleur mentionne que la toiture est en bon état et que le nécessaire remplacement futur des plaques de fibrociment est dû à leur ancienneté et non à un défaut d'entretien.
Les dispositions des articles 1719 et 1755 du code civil invoquées par l'intimée ne sont pas applicables au bail à construction, ces dispositions figurant parmi les règles communes aux baux des maisons et des biens ruraux et particulières aux baux à loyers, lesquels concernent le louage des maisons et des meubles, alors que le bail à construction porte sur le louage d'un terrain à charge pour le preneur d'y édifier un bâtiment dont il demeure propriétaire durant la durée du bail et qu'il a la charge d'entretenir." (Cour d'appel de Caen, 20 mars 2025, n°23/02177).
De ce fait, l'interprétation du bail à construction, de même que les conditions de validité d'une clause mettant à la charge du preneur les travaux de désamiantage, ne peuvent être analysés au prisme de la jurisprudence classique en matière de baux commerciaux par exemple.
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Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes
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