Textes : Loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; Décret n°2022-66 du 26 janvier 2022 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République

 

Dimanche prochain, les électeurs sont de nouveaux appelés à exprimer leur suffrage pour élire le Président de la République française à l’occasion du second tour du scrutin.

Durant le premier tour, des incidents et des « couacs » ont suscité des interrogations auxquelles je m’attacherai ici de répondre [1].

 

Pour rappel, le Président de la République est élu au suffrage universel direct à l’occasion des élections présidentielles pour un mandat de cinq ans. Pour ce faire, le candidat doit obtenir plus de la moitié des suffrages exprimés [2]. Les électeurs français ont été convoqués pour procéder aux élections présidentielles les dimanches 10 et 24 avril 2022 [3].

 

  • Puis-je choisir le bureau de vote dans lequel voter ?

Durant le premier tour, le site internet officiel permettant de trouver l’adresse de son bureau de vote a été inaccessible une partie de la journée en raison d’un trafic particulièrement important [4].

Un électeur peut-il alors se rendre dans un bureau de vote au hasard ? Non, l’électeur doit impérativement se rendre dans son bureau de vote de rattachement pour voter.

En effet, les électeurs sont répartis en autant de bureaux de vote que nécessaires [5]. Un électeur est donc rattaché à un bureau de vote particulier et déterminé en fonction de l’adresse au titre de laquelle il s’est inscrit sur les listes électorales.

Ces élections ont d’ailleurs été l’occasion pour le Conseil constitutionnel de rappeler que des suffrages exprimés en méconnaissance de cette répartition doivent être annulés [6].

 

  • Est-il obligatoire d’avoir sa carte électorale pour voter ?

Il n’est pas obligatoire d’avoir sa carte électorale pour participer aux élections présidentielles. La seule obligation est d’être inscrit sur les listes électorales.

En effet, tout électeur a le droit de voter sous réserve du contrôle de son identité. Aucune disposition réglementaire ou législative n’impose d’avoir sa carte électorale pour voter.

En revanche, et dans les communes de plus de 1 000 habitants, l’électeur doit présenter un titre d’identité [7].

 

  • Que faire si je n’apparais pas sur les listes électorales ?

Certains électeurs auraient eu la mauvaise surprise de ne pas voir leur nom sur les listes électorales lorsqu’ils se sont rendus dans leur bureau de vote. Même au jour de l’élection, des solutions existent pour rectifier ces éventuelles erreurs et prendre part au scrutin.

En principe, la personne qui n’est pas inscrite sur une liste électorale ne peut participer au suffrage. Néanmoins, si cette non-inscription résulte d’une erreur matérielle, d’une radiation irrégulière ou d’un oubli, l’électeur peut saisir le Tribunal du judiciaire territorialement compétent qui va alors ordonner son inscription sur la liste électorale. Cette possibilité lui est ouverte jusqu’au jour du scrutin [8].

Cette saisine est admise y compris jusqu’au jour du second scrutin pour les électeurs non-inscrits au premier tour mais qui aurait dû l’être. En effet, un électeur non-inscrit sur la liste électorale ayant servi au premier tour peut participer au second tour de scrutin dans les hypothèses suivantes :

  • L’électeur est porteur d’une décision judiciaire d’inscription mais n’a pas pu voter au premier tour en raison de la tardiveté de cette décision [9] ;
  • L’électeur est porteur d’une telle décision rendue entre les deux tours [10].

 

  • Puis-je présenter ma carte vitale pour voter ?

A Lyon, une électrice aurait été empêchée de voter au motif qu’elle présentait une carte vitale comme titre d’identité. Or, un électeur peut bel et bien présenter une carte vitale pour justifier de son identité (sauf à ce que la carte ne comporte pas de photographie).

Les textes précisent les titres d’identité valables pour le contrôle d’identité d’un électeur parmi lesquels on trouve notamment [11] :

  • La carte nationale d’identité ;
  • Le passeport ;
  • La carte vitale avec photographie ;
  • La carte du combattant avec photographie, délivrée par l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre ;
  • La carte d'invalidité ou carte de mobilité inclusion avec photographie ;
  • Le permis de conduire ;
  • Le permis de chasser avec photographie délivré par l'Office national de la chasse et de la faune sauvage.

Le titre d’identité présenté doit être en cours de validité (à l’exception de la carte nationale d’identité ou du passeport qui peuvent être présentés périmés depuis moins de cinq ans).

 

  • Puis-je porter un signe religieux lorsque je vote ?

Par principe, l’électeur est libre de se vêtir comme il le souhaite.

Les seules limites sont :

  • Le respect des bonnes mœurs ;
  • La neutralité politique qui s’impose au sein d’un bureau de vote [12] ;
  • La dissimulation du visage [13] ;
  • Le port d’un vêtement ou d’un accessoire empêchant le contrôle d’identité [14].

 

  • Suis-je obligé de prendre un bulletin de chaque candidat avant de me rendre à l’isoloir ?

Techniquement non, mais attention : il est interdit de manifester ostensiblement son intention de vote dans un bureau de vote. En conséquence, l’électeur a le choix entre [15] :

  • Prendre au moins deux bulletins de vote différents (ce qui équivaut, pour le second tour, à prendre un bulletin de chaque candidat) ;
  • Ne prendre aucun bulletin de vote et utiliser l’un de ceux reçu par la poste avec les professions de foi.

 

  • Le port du masque est-il obligatoire ?

Le port du masque n’est plus obligatoire et ne peut donc être imposé pour voter.

A l’inverse, il est loisible à l’électeur de porter le masque. Pour autant, il pourra lui être demandé de le retirer brièvement si cela s’avère nécessaire pour contrôler son identité [16].

 

  • Quand dois-je signer la feuille d’émargement ?

Le code électoral impose à l’électeur de signer la feuille d’émargement après avoir voté [17].

La méconnaissance de cette règle a conduit le Conseil constitutionnel à annuler les suffrages exprimés dans deux bureaux de vote lors du premier tour de scrutin [6].

 

  • Vote nul, vote blanc et abstention, quelle différence ?

Le vote nul est un vote irrégulier exclu en conséquence des suffrances exprimés [18].

Le vote blanc correspond à une enveloppe vide ou contenant un bulletin blanc (ou un vote enregistré comme tel par une machine à voter) [19].

Le vote nul et le vote blanc sont décomptés et mentionnés dans les résultats du scrutin [19].

L’abstention consiste en l’absence de participation au scrutin.

 

  • Comment puis-je faire réclamation ?

Tout électeur du bureau peut porter ses observations et / ou réclamations au procès-verbal établi par le bureau de vote et tenu à la disposition des électeurs.

Il reviendra au préfet destinataire de ce procès-verbal de le transmettre, dans un délai de 48 heures, au Conseil constitutionnel qui se prononce sur la régularité des opérations de vote [6] [20].

Dans ce cadre, le Conseil constitutionnel examine et tranche de manière définitive les éventuelles réclamations [21].

 

Le 22 avril 2022, par Maëlle Meurdra, Avocate au Barreau de Rennes

Tél. : 06 21 87 13 23

Mél. : cabinet@meurdra-avocat.fr

Site internet : meurdra-avocat.fr

 


[1] https://www.midilibre.fr/elections/presidentielle/presidentielle-bulletins-deric-zemmour-voles-glu-dans-la-serrure-les-couacs-du-1er-tour-10228858.php  ; https://www.lefigaro.fr/elections/presidentielles/presidentielle-2022-des-couacs-dans-les-listes-electorales-de-plusieurs-villes-20220414

[2] Articles 6 et 7 de la Constitution

Si aucun candidat n’obtient la majorité absolue à l’occasion du premier tour, un second tour est organisé entre les deux candidats arrivés en tête du premier tour.

[3] Décret n°2022-66 du 26 janvier 2022 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République

[4] Pour information, la carte d’électeur comporte l’indication du bureau de vote et son adresse.

[5] Article R. 40 du code électoral rendu applicable par le décret n°2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi n°62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel

[6] Décision n°2022-195 PDR du 13 avril 2022

[7] Articles R. 58 à R. 60 du code électoral rendus applicables par le décret du 8 mars 2001 précité

[8] Articles L. 20, L. 62 et R. 59 du code électoral rendus applicables par la loi n°62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel et par le décret du 8 mars 2001 précité

[9] Conseil d’Etat, Sect., 7 décembre 1977, n°08241, Elections municipales de Pont-de-Labeaume

[10] Cour de cassation, Civ. 2, 5 juillet 2001, n°01-60.626 ; Cour de cassation, Civ. 2, 5 juillet 2001, n°01-60.580 ; Conseil d’Etat, 11 mars 1994, n°140616, Élections cantonales de Macouba-Grand-Rivière

[11] Arrêté du 16 novembre 2018 pris en application des articles R. 5, R. 6 et R. 60 du code électoral

[12] Conseil d’Etat, 8 mars 2002, n°236291, Elections municipales de la Commune associée Vairao ; Conseil d’Etat, 10 avril 2009, n°318684, Elections municipales d’Apataki ; Circulaire du Ministère de l’intérieur du 17 janvier 2017, NOR : INTA1637796J

[13] Loi n°2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public

[14] Dans une telle hypothèse, le bureau de vote peut demander à l’électeur de retirer momentanément le vêtement ou l’accessoire faisant obstacle au contrôle d’identité afin de procéder audit contrôle. En cas de refus, la personne ne peut être admise à voter (Circulaire du Ministère de l’intérieur du 16 janvier 2020 sur le déroulement des opérations électorales lors des élections au suffrage universel direct, NOR : INTA20000661J).

[15] Article L. 59 du code électoral rendu applicable par la loi du 6 novembre 1962 précitée ; Circulaire du Ministère de l’intérieur du 16 janvier 2020 sur le déroulement des opérations électorales lors des élections au suffrage universel direct, NOR : INTA20000661J

[16] Addendum sanitaire à la circulaire INTA2204817C relative à l’organisation matérielle et au déroulement de l’élection du Président de la République – Instruction du Ministère de l’intérieur, NOR : INTA2208987C

[17] Article L. 62-1 du code électoral rendu applicable par la loi du 6 novembre 1962 précitée 

[18] Sont notamment considérés comme nul le bulletin comportant des noms différents (article L. 65 du code électoral rendu applicable par la loi du 6 novembre 1962 précitée) ou le bulletin différent de celui fourni par l’administration (article 24 du décret du 8 mars 2001 précité).

A savoir : si l’enveloppe contient plusieurs bulletins du même candidat, il est compté un vote pour le candidat concerné (article L. 65 du code électoral rendu applicable par la loi du 6 novembre 1962 précitée).

[19] Articles L. 57-1 et L. 65 du code électoral rendus applicables par la loi du 6 novembre 1962 précitée

[20] Article R. 52 du code électoral rendu applicable par le décret du 8 mars 2001 précité ; Article 30 du décret du 8 mars 2001 précité ; article 3 de la loi du 6 novembre 1962 précitée

[21] Article 50 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel rendu applicable par la loi du 6 novembre 1962 précitée