Par un arrêt du 31 janvier 2024 (n° 23-15969, à publier au Bulletin), la Première chambre civile de la Cour de cassation s'est prononcée sur le désistement d'un patient de son appel contre l'ordonnance d'un juge des libertés et de la détention ayant autorisé la poursuite de ses soins psychiatriques sans consentement.

Un patient avait été admis en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète par décision du directeur d’un centre hospitalier, à la demande d'un tiers, sur le fondement de l'article L. 3212-1, II, 1° du code de la santé publique, le 22 décembre 2022.

Le 27 décembre 2022, le directeur d'établissement avait saisi le juge des libertés et de la détention en vue de la poursuite de la mesure sur le fondement de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique.

Par ordonnance du 29 décembre 2022, le juge des libertés et de la détention avait autorisé la poursuite des soins.

Par courrier reçu au greffe de la cour d’appel le 4 janvier 2023, le patient s’était désisté de son appel contre l’ordonnance du 29 décembre 2022.

Par ordonnance du 11 janvier 2023, le premier président de la cour d’appel avait constaté le désistement et confirmé l’ordonnance du juge des libertés et de la détention.

Par arrêt du 31 janvier 2024 (n° 23-15969, à publier au Bulletin), la Première chambre civile de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi du patient contre l’ordonnance du 11 janvier 2023.

Le demandeur invoquait trois moyens.

Il soutenait que, dans une procédure d’appel avec représentation obligatoire, le juge n’aurait pu constater son désistement d’appel sur la base d’un courrier du demandeur, mais non signé par son avocat constitué, lequel aurait eu seul qualité pour le représenter et conclure en son nom, alors au surplus, que le demandeur, absent à l’audience d’appel du 10 janvier 2023, y aurait été représenté par ledit avocat, de sorte que les articles L. 3211-12-2, L. 3211-12-4 et R. 3211-8 du code de la santé publique auraient été violés.

La Première chambre civile a écarté ce moyen comme inopérant, dès lors qu’il se référait à la procédure avec représentation obligatoire, jugée inapplicable en l'espèce.

A cet égard, le code de la santé publique dispose :

  • « à l'audience (du juge des libertés et de la détention), la personne faisant l'objet de soins psychiatriques est entendue, assistée ou représentée par un avocat choisi, désigné au titre de l'aide juridictionnelle ou commis d'office. Si, au vu d'un avis médical motivé, des motifs médicaux font obstacle, dans son intérêt, à son audition, la personne est représentée par un avocat dans les conditions prévues au présent alinéa » (deuxième alinéa du I de l’article L. 3211-12-2) ;
  • « le débat (devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué) est tenu selon les modalités prévues à l'article L. 3211-12-2, à l'exception du dernier alinéa du I » (article L. 3211-12-4) ;
  • « devant le juge des libertés et de la détention et le premier président de la cour d'appel, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques est assistée ou représentée par un avocat. Elle est représentée par un avocat dans le cas où le magistrat décide, au vu de l'avis médical prévu au deuxième alinéa de l'article L. 3211-12-2, de ne pas l'entendre. Les autres parties ne sont pas tenues d'être représentées par un avocat » (article R. 3211-8).

 La Cour de cassation a jugé qu’il en résulte que :

  • « la procédure suivie en matière de soins psychiatriques sans consentement n'est pas une procédure avec représentation obligatoire » (cf. articles 817 (« Lorsque les parties sont dispensées de constituer avocat conformément aux dispositions de l'article 761, la procédure est orale, sous réserve des dispositions particulières propres aux matières concernées ») et 946 (« La procédure (sans représentation obligatoire) est orale ») du code de procédure civile) ;
  • « si l'assistance ou la représentation par un avocat est prévue par ces textes, c'est, d'une part, uniquement au bénéfice du patient, d'autre part, exclusivement lors de l'audience tenue par le juge des libertés et de la détention puis, le cas échéant, par le premier président de sorte que le patient peut seul former une requête en mainlevée de la mesure sur le fondement de l'article L. 3211-12 du code de la santé publique, relever appel de la décision du juge des libertés et de la détention et s'en désister ».

Le demandeur se prévalait également de deux autres moyens, réunis par la Cour de cassation pour les rejeter.

D’une part, il invoquait la méconnaissance des articles L. 3211-12-2, L. 3211-12-4 et R. 3211-8 du code de la santé publique, et de l'article 397 du code de procédure civile, dès lors que son désistement, emportant acquiescement à l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 29 décembre 2022, donc à la poursuite des soins, avait été constaté sans l'avoir auditionné lors de l'audience publique du 10 janvier 2023, et sans faire état d'aucun motif médical motivé ni d'aucune circonstance insurmontable empêchant son audition.

D’autre part, il soutenait que le premier président de la cour d’appel aurait méconnu les articles 397 et 405 du code de procédure civile, et L. 3212-1, L. 3211-12-2, L. 3211-124 et R. 3211-8 du code de la santé publique, pour avoir constaté son désistement d’appel sans s’être assuré de son caractère certain et non équivoque, en ne l’ayant pas auditionné lors de l’audience publique du 10 janvier 2023, sans avoir fait état d'aucun motif médical motivé ni d'aucune circonstance insurmontable empêchant son audition, ni constater que le patient aurait, par son courrier de désistement reçu au greffe le 4 janvier 2023, acquiescé à l’ordonnance du 29 décembre 2022 et à la poursuite des soins.

Pour écarter ces moyens, la Première chambre civile a jugé que « les articles L. 3211-12-2, L. 3211-12-4 et R. 3211-8 du code de la santé publique imposant que le patient faisant l'objet de soins psychiatriques sans consentement soit entendu à l'audience, à moins qu'un motif médical motivé ou qu'une circonstance insurmontable n'empêche cette audition, ne s'appliquent que lorsque le juge ou le premier président statue sur la poursuite de la mesure ».

Elle a rappelé qu’en « matière de procédure orale, le désistement formé par écrit, antérieurement à l'audience, produit immédiatement son effet extinctif de sorte que le juge ne peut plus statuer sur les demandes, sauf celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile » (cf. Civ. 2ème 10 janvier 2008, n° 06-21938 ; 11 mai 2017, n° 16-18055) et en a « déduit qu'en présence d'un écrit manifestant une volonté claire et non équivoque de se désister et en l'absence d'autres éléments le remettant en cause, le désistement doit être constaté par le premier président ».

Par suite, dès lors que son ordonnance du 11 janvier 2023 avait constaté que, par courrier reçu au greffe le 4 janvier 2023, le patient s’était désisté de son appel, que son avocat s’en était rapporté et que le ministère public avait demandé que ce désistement fût constaté, le premier président, « dessaisi par l’effet du désistement d'appel, dont le caractère équivoque n'avait pas été invoqué par l'avocat représentant la personne à l'audience, n'avait plus à statuer sur la mesure de soins psychiatriques sans consentement et n'avait, dès lors, pas à entendre le patient à l'audience ».

Pour éviter toute difficulté éventuelle, l’avocat du patient pourrait avoir intérêt à s’assurer des conditions dans lesquelles son client se serait désisté de son appel, voire, si telle était l’intention du patient, à soulever le caractère équivoque de son désistement et soutenir que son client devrait donc être entendu à l’audience, bien que, suivant les circonstances et le trouble mental dont il serait atteint, les intentions d’un patient admis en soins psychiatriques sans consentement puissent évoluer ou être difficiles à apprécier avec certitude, à l’instar de sa capacité à consentir valablement au désistement de son appel contre une ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant autorisé la poursuite de tels soins.