La Cour de cassation a d'ores et déjà fait reculer la liberté contractuelle des personnes publiques, en juin 2023, semblant exclure la possibilité pour les personnes publiques de choisir de recourir sur leur domaine privé entre le statut du bail emphytoétique de droit privé (Code rural et de la pêche maritime, articles L451-1 à L451-13) et du bail emphytéotique administratif (Code général des collectivites territoriales, articles L1311-2 à L1311-4).
La Cour de cassation a approuvé la Cour d’appel qui avait constaté, au seul motif du caractère d’intérêt général de l’activité exercée par le preneur, que le bail emphytéotique conclu par les parties était en réalité un bail emphytéotique administratif.
« 10. Il en résulte que la mise à disposition, par l'effet d'un bail emphytéotique, d'une centrale hydroélectrique, en vue de la production et de la vente d'électricité à un fournisseur d'énergie, en ce qu'elle favorise la diversification des sources d'énergie et participe au développement des énergies renouvelables, constitue une opération d'intérêt général relevant de la compétence de la commune. 11. La cour d'appel a, dès lors, retenu, à bon droit, abstraction faite de motifs surabondants critiqués par la seconde branche du moyen, que la convention liant la commune et la société était un bail emphytéotique administratif. » (Cour de cassation, 15 juin 2023, n°21-22.816).
Reprenant cette jurisprudence à son compte, la Cour d'Appel de Chambéry a jugé que le bail emphytéotique conclu pour une opération de logement social était un bail emphytéotique administratif :
"Il convient de relever que le bail emphytéotique litigieux a été conclu sur des parcelles jadis occupées par un centre de vacances depuis fermé et qu'il l'a été dans un contexte de 'réaménagement du secteur par la création de logements sociaux' (pièce Semcoda n°1, p.3). Il tend ainsi à mettre des terrains à la disposition de la société Semcoda (société d'économie mixte de construction) en vue d'une opération d'intérêt général (construction de logements sociaux) relevant de la compétence de la communauté de communes.
[...]
Il résulte de qui précède que le contrat litigieux a le caractère d'un bail emphytéotique administratif conclu en application des dispositions des articles L. 1311-2 et suivants du code général des collectivités territoriales. A cet égard, le fait que l'acte ne fasse référence qu'aux textes du code rural ou qu'il ne comporterait pas toutes les mentions obligatoires ne saurait avoir d'effet, le cas échéant, que sur la validité de l'acte. En revanche, il ne peut pas avoir pour conséquence de modifier la nature intrinsèque de ce contrat. Par application de l'article L. 1311-3 4° du code général des collectivités territoriales le litige relatif à ce contrat relève donc exclusivement des juridictions de l'ordre administratif." (Cour d'appel de Chambéry, 7 décembre 2023, n°21/01380).
Or, l'application du régime du bail emphytéotique administratif peut avoir pour effet de priver d'efficacité certaines clauses du bail, pourtant acceptées par les parties, car le législateur a posé des contraintes :
- La cession du droit réel n’est plus libre, mais nécessite l’agrément du bailleur.
- Le droit réel ne peut être hypothéqué que pour la garantie des emprunts en de financier l’ouvrage situé sur le bien loué.
- Les litiges relatifs à ces baux sont de la compétence du juge administratif, étant précisé que l'administrativité du contrat entraîne également l'application de principes jurisprudentiels bien connus, notamment la résiliation même sans texte pour motif d'intérêt général ou la modification unilatérale dans l'intérêt général.
- Le financement par crédit-bail n’est licite que si le contrat de crédit-bail comporte des clauses permettant de préserve les exigences du service public.
Ainsi par exemple, dans l'espèce jugée par la Cour d'appel de Chambéry dans laquelle est en débat l'indemnité de résiliation, une divergence entre l'appréciation du juge judiciaire qui a rejeté toute indemnisation en première instance et du juge administratif qui sera saisi des suites n'est pas exclue.
Les parties ont donc tout intérêt à recourir à un conseil pour déterminer le statut applicable et s'assurer de ce que leurs accords ne seront pas remis en cause ou fragilisés en cas de litige. Les modalités de financement peuvent également être atteintes et mettre en péril le développement voir la pérennité de l'opérateur privé cocontractant de l'administration.
Le cabinet est à votre écoute pour vous accompagner :
- Dans la revue de titres d'occupation et de baux, et plus généralement dans la définition du montage juridique de votre opération afin de s'assurer de leur conformité et de leur efficacité au regard de l'évolution jurisprudentielle ;
- Cartographier et mesurer les risques induits, ainsi que les mesures correctives à apporter s'agissant de contrat déjà conclus ;
- Vous assister dans la résolution des litiges qui en découlent, le cas échéant.
Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes
le-ny.goulven@avocat-conseil.fr - 06 59 96 93 12 - glenyavocat.bzh
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