Egalité de traitement entre salariés : le juge peut ordonner la production de pièces à l’employeur.

 

A travail égal, salaire égal.

 

Ce principe a été décliné par la jurisprudence depuis de nombreuses années.

 

Reste la difficile question de la preuve qui pèse sur un salarié qui se prétend victime d’une inégalité de traitement (notamment salariale) puisque seul l’employeur est en possession des fiches de paye des autres salariés.

 

La preuve en matière d’inégalité de traitement

 

L’établissement de la preuve en matière de discrimination répond à un dispositif spécifiquement aménagé en faveur du salarié.

 

Ce dernier présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.

 

Il appartient alors à l’employeur de prouver, au vu de ces éléments, que sa décision est justifiée par des éléments objectifs.

 

Ce même régime s’applique en cas d’inégalité professionnelle ou de rémunération entre les femmes et les hommes, et en cas d’atteinte au principe "à travail égal, salaire égal".

 

Les pouvoirs du juge en matière de preuve

 

L’article 145 du code de procédure civile prévoit que tout intéressé peut, en cas de motif légitime, demander au juge que soient ordonnées les mesures d’instruction nécessaires à conserver ou établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige.

 

Sur le fondement de cet article, une salariée demandait la communication des bulletins de salaire de certains de ses collègues afin d’établir la preuve d’une inégalité de traitement supposée. 

 

La salariée invoquait une inégalité de rémunération par rapport à des collègues masculins.

 

Selon l’employeur, il s’agissait d’une demande de communication d’éléments susceptible de porter atteinte à la vie privée puisque les documents contiennent des éléments relevant du domaine privé.

 

En effet, l’employeur considérait que la communication des données personnelles des salariés visés était contraire aux exigences du règlement européen 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 (RGPD), mais aussi que la salariée était déjà en mesure de présenter des éléments de fait susceptibles de laisser présumer l’existence de la discrimination alléguée, tels les rapports égalité femmes/hommes versés aux débats ou l’Index de l’égalité professionnelle pour 2018, de sorte que la communication des bulletins de paie sollicitée n’était pas indispensable au droit de la preuve et proportionnée au droit au respect de la vie privée.

 

La position de la Cour de cassation

 

Dans une décision rendue le 8 mars 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a considéré qu’au regard du RGPD, le droit à la protection des données à caractère personnel n’est pas un droit absolu et doit être considéré par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité.

 

Elle rappelle également, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, qu’il appartient au juge, si les éléments dont la communication est demandée sont de nature à porter atteinte à la vie personnelle d’autres salariés, de vérifier quelles mesures sont indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant le périmètre de la production de pièces sollicitée.

 

La Cour a estimé, au regard des constatations des juges du fond, que la communication des bulletins de paie des huit salariés masculins était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, c’est-à-dire la défense de l’intérêt légitime de la salariée à l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail, de sorte que la demande de la salariée était fondée.

 

Cet arrêt va dans le sens d’un équilibre entre plusieurs libertés fondamentales.

 

 

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