Karl Lagerfeld, emblématique directeur artistique de la Maison Chanel, s'est éteint à son domicile de Neuilly-sur-Seine le 19 février dernier.
Outre l'hommage unanime qui lui a été rendu, une informatique anecdotique a également occupé une partie des colonnes de la presse : sa chatte, répondant au doux nom de Choupette, serait légataire d'une fraction substantielle de la fortune du créateur de mode.
Mais cela est-il possible ?
En droit français, l'article 893 du Code civil nous rappelle que les libéralités, au rang desquelles se trouve le testament sont les actes "par lequel une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d'une autre personne".
Le message semble clair : pour hériter, il faut être une personne. Or un animal, même de compagnie, et même à la tête d'un compte Instagram à 250.000 abonnés, n'est pas une personne. Tout au plus le droit civil a-t-il pu dire récemment que l'animal est un être "doué de sensibilité", les juristes sachant bien que cela n'a juridiquement emporté aucune conséquence.
Le droit français ne permet pas d'opérer une libéralité, par donation ou testament, à un animal, quand bien même il aurait été l'être le plus proche du de cujus.
Karl Lagerfeld était domicilié au moment de son décès en France, et c'est là qu'il est mort. Le droit français aurait donc vocation à s'appliquer à sa succession. Toutefois, dès lors qu'il avait également la nationalité allemande, il pouvait faire le choix de voir appliquer à sa succession la loi allemande, choix qui lui était ouvert en vertu du Règlement européen du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de succession.
Toutefois, il semble que la loi allemande ne permette pas plus le legs à un animal.
Il existe pourtant d'autres solutions viables en droit français.
Il est possible de léguer sa fortune (et même toute sa fortune, en l'absence d'héritier réservataire) à une association. En effet, la loi de 1901 sur la liberté d'association prévoit, en son article 6 al. 5 que "les associations déclarées qui ont pour but exclusif l'assistance, la bienfaisance, la recherche scientifique ou médicale peuvent accepter les libéralités entre vifs ou testamentaires dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat".
L'idée serait donc de confier le legs à une association ou une fondation, en contrepartie de l'obligation pour cette dernière de prendre soin de l'animal en question, tout au long de la vie de ce dernier. C'est ce qu'on appelle un legs avec charge.
Il faut cependant que la charge soit compatible avec les statuts de l'organisme, qu'il ne soit pas immoral et ne contrevienne pas à l'ordre public, ou à une disposition légale ou réglementaire.
Toutefois, l'article 910 du Code civil restreint les conditions du legs à une association ou une fondation : l'organisme doit disposer de la capacité juridique, et être reconnu d'utilité publique ou ne pas avoir fait l'objet d'une opposition par le représentant de l'Etat dans le département. S'il s'agit d'une association, celle-ci doit avoir au moins trois ans d'existence.
Ce qui justifie que dans le cas d'une grosse fortune, la création d'une fondation spécialement dédiée, voire d'un trust, puisse se justifier.
S'agissant de la fiscalité applicable à ces legs, il convient de rappeler que le taux d'imposition au profit d'une association est particulièrement élevé, cette dernière étant un tiers à la succession. C'est donc un taux de 60% qui a vocation à s'appliquer.
Toutefois, s'il s'agit d'une association ou d'une fondation reconnue d'utilité publique, on applique alors le taux relatif aux libéralités entre collatéraux, soit entre 35 et 45%, selon le montant de la libéralité.
Enfin, les régions, les départements, les communes, leurs établissements publics et les établissements publics hospitaliers sont exonérés des droits de mutation à titre gratuit sur les biens qui leur adviennent par donation ou succession affectés à des activités non lucrative (article 794 CGI).
Pas de contribution, soyez le premier