Un arrêt de la Cour de Cassation du 17 décembre 2014 (Cass. 3e Civ. 17 décembre 2014 - N°de pourvoi 13-22494, publié au Bulletin) est l'occasion de rappeler le danger des clauses contractuelles régissant l'arrêté des comptes à la fin du marché. En l'espèce, nous sommes sur un marché de travaux privés. Ce marché est régi par un Cahier des Clauses Administratives Générales - CCAG. Ce CCAG, signé par l'entreprise, comporte un article "Décomptes définitifs" qui semble s'inspirer fortement des dispositions de la norme NFP 03.001 (c'est à dire le cahier des clauses administratives générales applicable aux travaux de bâtiment faisant l'objet de marchés privés, auxquels les marchés d'une certaine importance font souvent référence). L'on sait que l'article 19.6 de la norme intitulé "Vérification du mémoire définitif - établissement du décompte définitif" prévoit toute une procédure destinée à établir le décompte définitif du marché. De manière très proche, le CCAG, ici, édicte ce qui suit: "Dans un délai de 60 jours à dater de la réception des travaux, ou de la résiliation du marché, l'entrepreneur remet au maître d'oeuvre un mémoire définitif de ce qu'il estime lui être dû en application du marché. Dans le cas où ce mémoire n'est pas transmis dans le délai imparti, le maître d'ouvrage peut, après mise en demeure restée sans effet, le faire établir par le maître d'oeuvre aux frais de l'entrepreneur. Le maître d'oeuvre vérifie le mémoire définitif dans un délai de 60 jours de la réception du mémoire de l'entrepreneur, et établit le projet définitif qu'il adresse au maître d'ouvrage. Après contrôle par lui, le maître d'ouvrage signifie le décompte définitif à l'entrepreneur, qui a 20 jours pour présenter ses observations éventuelles. Passé ce délai, l'entrepreneur n'est plus admis à élever de réclamations sur le décompte, et celui-ci est censé accepté par lui, quand bien même il ne l'aurait pas signé ou qu'avec des réserves non spécifiées. Les décomptes définitifs ne peuvent, en conséquence, présenter ce caractère définitif à l'égard du maître d'ouvrage, qu'autant qu'ils auront été, après vérification par le maître d'oeuvre, acceptés et signés par le maître d'ouvrage". Or il est retenu par les juges du fond que l'entreprise s'est abstenue tout à la fois de notifier son décompte mais aussi de répondre au projet de décompte général définitif (DGD) que le maître d'ouvrage lui a, par suite de sa carence, adressé - sans qu'il n'ait été contesté, en cause d'appel, que le maître d'ouvrage avait préalablement mis en demeure l'entreprise de produire son mémoire, avant de le faire établir d'autorité par le maître d'oeuvre. Ainsi, la cour d'appel retient qu'en application du CCAP, l'entreprise avait un délai de 20 jours pour contester le DGD du maître d'ouvrage, que faute de l'avoir fait, elle ne peut plus le contester et qu'elle est réputée l'avoir accepté, si bien qu'elle est débitrice envers le maître d'ouvrage de la somme mentionnée dans le projet de décompte qui lui avait été notifié, devenu définitif et intangible par l'effet de l'absence de contestation dans le délai de 20 jours de la réception du projet...
Or la Cour de Cassation approuve l'arrêt d'appel: le projet de décompte qui n'a pas été critiqué dans le délai est devenu définitif. La solution est sévère, d'autant plus que dans cette affaire, le titulaire du marché avait transmis au maître d'ouvrage diverses observations, mais avant de se voir notifier le projet de décompte: ces observations sont tenues pour rien, il aurait fallu les présenter dans le délai donné suivant la réception du projet de décompte. Au regard de cela, il s'impose de bien appréhender le mécanisme de ces clauses propres à l'arrêté du décompte définitif, qu'elles soient contenues dans un CCAP ou qu'elles s'appliquent du fait d'une référence à la norme NFP 03.001. Leur méconnaissance peut avoir un effet couperet et annéantir toute réclamation ultérieure, ce qui peut s'avérer redoutable pour l'entreprise - mais inversement aussi pour le maître d'ouvrage, dans le cas où ce serait lui qui ne réagirait pas, suite à la notification du mémoire de l'entrepreneur ou à la réception de ses observations (dans la suite de la notification du décompte).
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