Double indemnisation :  Le Conseil d’Etat impose la déduction globale et non l’imputation par poste de préjudice.

Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 24/07/2025, 47639)

 

Dans les faits de l’espèce, madame X est victime d’un accident vasculaire cérébrale dont elle conserve de lourdes séquelles.

Une première action est initiée à l’encontre du  cardiologue libéral et le TGI de Paris l’indemnise à hauteur de 890 974,16 €, sur la base d’une perte de chance de 70 %. Elle initie par la suite une action en responsabilité à l’encontre de l’hôpital Nord Franche-Comté devant le juge administratif.


Le tribunal administratif de Besançon, retenant la responsabilité de l’établissement, alloue à la victime une indemnisation de 465 498,50 euros en sus d’une rente annuelle d'un montant de 48 451,20 euros. Par un arrêt du 6 juin 2023, la cour administrative d'appel de Nancy annule le jugement et diminue l’indemnisation due. Le Conseil d’Etat est alors saisi d’un pourvoi.

Les questions posées au Conseil d’Etat étaient les suivantes :

  1. Lorsque la victime a déjà obtenu une indemnisation du juge judiciaire, comment éviter la double indemnisation. Faut-il opérer une déduction globale ou une déduction poste par poste ?
  2. Pour l’aide humaine : comment articuler l’indemnité due par la personne publique et les prestations sociales (APA), lorsque celle-ci ne répare qu’une fraction du dommage ?

S’agissant de la 1ère question, le Conseil d’Etat répond qu’il convient de déduire globalement l’indemnisation versée par la juridiction judiciaire et non poste par poste :

« En premier lieu, lorsque la victime d'un dommage a déjà été indemnisée par une autre juridiction des préjudices qu'elle subit en raison de ce dommage, il appartient au juge administratif de prendre, en déterminant la quotité et la forme de l'indemnité par lui allouée, les mesures nécessaires en vue d'empêcher que sa décision ait pour effet de procurer à la victime une double indemnisation. Pour y procéder, il y a lieu de déduire, de manière globale, et non chef de préjudice par chef de préjudice, les indemnités précédemment allouées de la somme mise à la charge de la personne publique responsable.

3. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la cour administrative d'appel aurait commis une erreur de droit en procédant à une déduction globale et non chef de préjudice par chef de préjudice des indemnités qui ont été allouées à Mme C... par le jugement du 26 novembre 2018 du tribunal de grande instance de Paris. »

S’agissant de l’assistance tierce personne, le Conseil d’Etat rappelle la méthode d’évaluation :

  • Fixation de l’étendue des besoins d'aide et des dépenses nécessaires ;
  • Déduction d’office des prestations sociales ayant le même objet ;
  • En cas de perte de chance, ces prestations ne sont déduites que si et seulement si additionnée à l’indemnité, elle dépasse le coût réel de l’aide humaine.

Or, en l’espèce, la CAA avait déduite de l’indemnité ATP, l’allocation personnalisée d’autonomie que la victime percevrait dans l’avenir contrevenant ainsi à la méthode retenue.

Cette erreur de droit est censurée par le Conseil d’Etat.