Les règles spéciales l’emportent sur les règles générales. C’est le principe rappelé dans deux arrêts rendus récemment par la chambre commerciale de la Cour de cassation dans des espèces très différentes.

 

 

Arrêt rendu le 21 juin 2017[1]: En l’espèce, il s’agissait de clauses attributives de juridiction contradictoires : l’une, présente dans les conditions générales d’un contrat de construction, désignait les tribunaux de Montpellier comme compétents ; l’autre, figurant dans les conditions particulières de ce même contrat, attribuait compétence au tribunal de commerce de Paris. Assigné devant cette dernière juridiction, le maître de l’ouvrage en contestait la compétence au motif que les deux clauses attributives étant inconciliables, elles devaient s’annuler au profit de l’application des règles de compétence de droit commun. Il n’est pas fait droit à cet argument : les règles spéciales l’emportant sur les règles générales, la clause figurant dans les conditions particulières devait donc prévaloir.

A noter néanmoins que ce principe s’applique en présence de deux clauses juridictionnelles contradictoires et non pas en cas de conflit entre une clause d’arbitrage et une clause juridictionnelle qui doivent, dans ce cas, être réputées non écrites.

 

Arrêt rendu le 5 juillet 2017[2] : En l’espace de trois mois, deux contrats successifs ont prévu l’octroi d’un bonus / « success fee » différent au profit d’un assistant à maîtrise d’ouvrage en cas d’obtention d’une décision favorable de la Commission départementale d’équipement commercial (CEDC). Le premier contrat chiffrait le bonus à 50.000 euros alors que le deuxième contrat limitait le bonus à 25.000 euros. Le prestataire sollicitant le montant agrégé du bonus, la Cour considère que, s’agissant de ce success fee, le deuxième contrat se substituait naturellement au premier qui définissait la mission du prestataire en termes généraux, alors que le second contrat précisait les modalités de l’intervention du prestataire auprès de la CEDC. En outre, les parties n’ayant pas indiqué dans le second contrat que le bonus fixé dans le premier devait être maintenu, la Cour d’appel, suivie en cela par la Cour suprême, en a déduit que le second contrat manifestait « l’expression de la volonté des parties dans son dernier état ».

 

Une vigilance particulière doit donc être portée à la rédaction de clauses contractuelles pouvant s’appliquer concurremment. En cas de doute et pour éviter toute insécurité juridique, il est prudent d’organiser, dans le contrat lui-même, la hiérarchie entre les documents interagissant ou à tout le moins de prévoir, par le biais d’une clause spécifique, la primauté d’un document sur les autres, en cas de contradiction ou d’incohérence.  

                                                                                                                       par Sarah Temple-Boyer

                                                                                                                        Avocat

 


[1] Cass.com. 21 juin 2017 n°15-11.154

[2] Cass.com. 5 juillet 2017 n°16-10.325 F-D