OUI : dans un arrêt en date du 24 octobre 2019, le Conseil d’Etat considère que le délai imparti par le président de la formation de jugement, qui ne peut être inférieur à un mois, à l'issue duquel, en vertu de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative (CJA), à défaut d'avoir confirmé ses conclusions, le requérant est réputé s'être désisté de sa requête a le caractère d'un délai franc. Pour mémoire, un délai franc est un délai pendant lequel ne sont comptés, ni le jour où le cours de ce délai a été déclenché (réception, notification, affichage ou connaissance acquise), ni le jour où il vient à expiration. Dans les cas où il expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant. En l’espèce, la lettre du président de la 2ème chambre du tribunal administratif du 14 mai 2018 a été transmise au moyen de l'application Télérecours. Elle a été reçue par l’avocat le 15 mai 2018 à 16 heures 49 (celui-ci avait 2 jours pour en prendre connaissance dans Télérecours). Le délai d'un mois imparti à la société pour confirmer le maintien de ses conclusions a donc commencé à courir le 16 mai 2018 à zéro heure et a expiré le premier jour ouvrable suivant le dimanche 17 juin 2018, soit le lundi 18 juin 2018 à minuit.


Aux termes de l'article R.612-5-1 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable au litige : «  Lorsque l'état du dossier permet de s'interroger sur l'intérêt que la requête conserve pour son auteur, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, le président de la chambre chargée de l'instruction, peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. La demande qui lui est adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à l'expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s'être désisté de l'ensemble de ses conclusions ».

Il résulte de ces dispositions qu'il ne peut être donné acte d'un désistement au titre de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative que si le requérant a reçu la demande de confirmation du maintien de ses conclusions, si cette demande lui laissait un délai d'au moins un mois pour y répondre et l'informait des conséquences d'un défaut de réponse dans ce délai et s'il s'est abstenu de répondre en temps utile. Le délai ainsi prévu est un délai franc.

En l’espèce, en  application des dispositions précitées de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, la société Prologia a été invitée, par une lettre du président de la 2ème chambre du tribunal administratif en date du 14 mai 2018 transmise au moyen de l'application Télérecours, reçue par son avocat le 15 mai 2018 à 16 heures 49, à confirmer expressément dans le délai d'un mois le maintien de ses conclusions et a été informée de ce qu'à défaut de cette confirmation dans le délai imparti, elle serait réputée s'être désistée d'office.

Par un mémoire déposé au greffe du tribunal, au moyen de l'application Télérecours, le lundi 18 juin 2018 à 21 heures 44, la société Prologia a maintenu l'intégralité des conclusions de sa demande.

Or, le délai d'un mois imparti à la société a commencé à courir le 16 mai 2018 à zéro heure et a expiré le premier jour ouvrable suivant le dimanche 17 juin 2018, soit le lundi 18 juin 2018 à minuit.

Par suite, en jugeant que le mémoire de la société Prologia, transmis le 18 juin 2018, n'était pas parvenu à la juridiction dans le délai qui lui avait été imparti, le magistrat désigné du tribunal administratif de La Réunion a commis une erreur de droit.

Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société Prologia est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Prologia au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

SOURCE : Conseil d'État, 3ème chambre, 24/10/2019, 424812

 

JURISPRUDENCE :

S'agissant du délai imparti pour produire un mémoire récapitulatif :

 Conseil d'État, 3ème chambre, 19/03/2018, 416510 (Société L'Immobilière Leroy Merlin France)

« Le délai imparti par le président de la formation de jugement, qui ne peut être inférieur à un mois, à l'issue duquel, en vertu de l'article R.611-8-1 du code de justice administrative (CJA), à défaut d'avoir produit le mémoire récapitulatif demandé, la partie est réputée s'être désistée de sa requête ou de ses conclusions incidentes a le caractère d'un délai franc. »

Conseil d'Etat, 5 / 7 SSR, du 11 mai 2001, 211912, publié au recueil Lebon (Vaissière)

« En vertu du dernier alinéa de l'article R.145-21 du code de la sécurité sociale, l'appel contre une décision de la section des assurances sociales d'un conseil régional de l'ordre des chirurgiens-dentistes doit être formé "dans les trente jours" qui suivent la notification de la décision attaquée. Ce délai ne se confond pas avec un délai d'un mois. A l'instar de tout délai de procédure et en l'absence de disposition contraire, il a le caractère d'un délai franc. »