Le 4 avril 2025, la commission des sanctions de la Haute Autorité de l’Audit (H2A) a prononcé une sanction pécuniaire de 100.000 €,
à l’encontre d'une grande société de commissariat aux comptes (CAC) et d'expertise comptable,
la H2A ayant mis en ligne sa décision sous forme non anonyme, sur son site à :
L'enjeu des sujets juridiques :
1./ savoir si un CAC qui démissionne sans motif légitime de son mandat de commissaire aux comptes (CAC) de la société X dont il contrôle les comptes, sans même indiquer les motifs précis de sa démission, peut constituer un manquement à l’article L. 823-3 alinéa 1 du code de commerce, et à l’article 28 du code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes, et par conséquent une faute disciplinaire au sens de l’article L. 824-1 I 1° du code de commerce, passible des sanctions énumérées à l’article L. 824-2 du même code ?;
2./ savoir si le CSE (ici central) de la société X pouvait contester la légitimité de la démission du CAC (devant le tribunal, ici de commerce) ?
Par une décision écrite, l’associé unique de la société X avait pris acte de cette démission, avait approuvé le rapport du CAC certifiant les comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2019 avec réserve, et avait désigné la société KPMG en qualité de commissaire aux comptes.
Estimant la démission du CAC illégitime, le CSE Central de la société X assigna le CAC devant le tribunal de commerce de Paris qui, par jugement du 18 janvier 2022 (RG 2021006051), a retenu que « l’article 28 prévoit expressément qu’il ne suffit pas de rencontrer des difficultés pour qu’il soit légitime pour un commissaire aux comptes de démissionner mais qu’il faut que "il ne soit pas possible d’y remédier" ; qu’il revenait donc à la société (CAC) de rapporter la preuve qu’elle n’avait pas trouvé de solution pour résoudre la difficulté or, les écritures et pièces de la société (CAC) ne contiennent aucune trace de la recherche d’un moyen de contourner la difficulté (…) qu’enfin, on peut s’interroger sur la réalité même de cette difficulté puisque ne figure pas dans les documents produits par la société (CAC) la moindre pièce relative aux investigations qu’aurait réalisées Deloitte Touche LLC en 2018 et 2019 sur le système d’informations de la société (...) » et a dit que la société (CAC) avait commis des fautes délictuelles en démissionnant sans motif légitime.
Ce jugement qui a condamné le CAC à payer au CSE Central 15.000€ de dommages-intérêts pour préjudice moral, et 10.000€ au titre de l'article700 CPC, est irrévocable pour n’avoir pas été frappé d’appel par la société (CAC).
Donc, le tribunal de commerce de Paris a répondu oui, aux questions 1 et 2./ supra.
Car, l’article L. 823-3 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016- 315 du 17 mars 2016, devenu, depuis l’ordonnance 2023-1142 du 6 décembre 2023, l’article L. 821-44 du même code, dispose que : « Le commissaire aux comptes est nommé pour un mandat de six exercices. Ses fonctions expirent après la délibération de l'assemblée générale ou de l'organe compétent qui statue sur les comptes du sixième exercice ».
Car, l’article 28 du code de déontologie, dans sa rédaction applicable à l’époque des faits, issue du décret n° 2020-292 du 21 mars 2020, reprise à l’annexe 8-1 de la partie règlementaire du code de commerce dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2023-1142 précitée, précise notamment que : « I. - Le commissaire aux comptes exerce sa mission jusqu’à son terme. Il a cependant le droit de démissionner pour des motifs légitimes. Constitue un motif légitime de démission : a) La cessation définitive d’activité ; b) Un motif personnel impérieux, notamment l’état de santé ; c) Les difficultés rencontrées dans l’accomplissement de la mission, lorsqu’il n’est pas possible d’y remédier ; d) La survenance d’un événement de nature à compromettre le respect des règles applicables à la profession, et notamment à porter atteinte à l’indépendance ou à l’objectivité du commissaire aux comptes. Le commissaire aux comptes joint à son dossier les différents éléments qui justifient sa démission. (…) III. – Le commissaire aux comptes qui démissionne en informe le Haut Conseil du commissariat aux comptes et indique les motifs de sa décision. (…) ».
Dans sa décision du 4 avril 2025, la H2A a décidé qu'il appartient au commissaire aux comptes démissionnaire de rapporter la preuve de difficultés irrémédiables rencontrées dans l’accomplissement de sa mission, que par « difficultés irrémédiables », il convient d’entendre des difficultés qui ont pour effet de rendre impossible la mission du commissaire aux comptes et ce, de manière irréversible, ce que le CAC n'a pas démontré, que le CAC ne justifiait aucunement qu’il avait rencontré des difficultés irrémédiables pour accomplir sa mission ou que l’organisation du groupe (de la société X) était telle que ces difficultés étaient inévitables ou insurmontables, que le CAC avait démissionné de ses fonctions de commissaire aux comptes de la société X sans avoir indiqué au H3C (Haut conseil du commissariat aux comptes) le moindre motif de sa démission, la simple référence au c) de l’article 28 du code de déontologie ne pouvant être regardée comme le motif permettant au régulateur des commissaires aux comptes de contrôler la légitimité de la démission.
Donc, la H2A a répondu oui, aux questions 1 et 2 supra.
Me Stéphane VACCA - avocat barreau de Paris
Droit du travail - svacca-avocat@orange.fr

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