Dans un précédent article (lien ci-dessous), nous avons détaillé les conditions de la renonciation à un héritage pour un majeur en curatelle.

Contrairement à la tutelle, la curatelle n'exige pas l'autorisation du juge pour cet acte.

Or, une récente décision de la Cour d'appel de TOULOUSE vient illustrer les difficultés qui peuvent survenir malgré ce cadre légal clair.

Retour sur les faits et la procédure :

Un curateur ad hoc a sollicité l'autorisation du juge des tutelles pour assister un majeur protégé dans sa renonciation à la succession de son père au profit de ses filles exerçant respectivement la mission de curatrice et de subrogée curatrice de leur père.

Le juge, à tort, a non seulement refusé  sur cette demande, mais il avait au préalable exigé du curateur ad hoc qu'il soumette l'accomplissement d'un tel acte à son autorisation.

La renonciation à l'héritage était motivée par le désir du majeur protégé de manifester sa reconnaissance envers ses filles pour les soins dévoués dont elles l’entourent depuis le décès de leur mère, d'une part et pour des raisons d'optimisation fiscale, d'autre part.

Le curateur ad hoc s'était en outre assuré que le majeur protégé disposait de revenus confortables le mettant ainsi à l'abri du besoin.

Un excès de pouvoir manifeste :

Point important : comme nous l'avions déjà souligné, et comme le confirme la Cour d'appel dans son arrêt du 21 janvier 2025, l'autorisation du juge n'est pas nécessaire pour renoncer à une succession en curatelle renforcée.

L'assistance du curateur (ou le cas échéant, celle du curateur ad hoc), suffit.

Motivation de la Cour d'appel :

Pour étayer sa décision, la Cour d'appel s'est appuyée sur les textes suivants :

  • L'article 467 du Code civil : la personne en curatelle ne peut accepter purement et simplement une succession, ou y renoncer, qu'assistée de son curateur.  Lors de la conclusion d'un acte écrit, l'assistance du curateur se manifeste par l'apposition de sa signature à côté de celle de la personne protégée.
  • Décret n°2008-1484 du 22 décembre 2008 : la renonciation à succession est qualifiée d’acte de disposition.

La Cour a ainsi conclu qu'en curatelle, "la renonciation à une succession [...] nécessite la seule assistance du curateur sans que l’autorisation du juge des tutelles soit requise."

Quelles conséquences ?

La Cour d'appel a logiquement considéré que le juge des tutelles avait statué à tort.

  • Exigence erronée du juge : En refusant une autorisation non prévue par la loi, le juge des tutelles a outrepassé ses attributions et méconnu les dispositions légales susmentionnées. Il s'agit d'un excès de pouvoir caractérisé.
  • Infirmation par la Cour d'appel : La Cour d'appel a logiquement infirmé la décision du juge des tutelles, rétablissant ainsi le droit et rappelant les limites des pouvoirs du juge en matière de curatelle.

Cette affaire souligne l'importance de la vigilance et de la connaissance précise du cadre légal, même pour les professionnels du droit.

Elle rappelle également la nécessité de garantir le respect des droits des personnes protégées, en évitant les procédures inutiles et les entraves à l'exercice de leurs droits.


Claudia CANINI

Avocat - Droit des majeurs protégés

www.canini-avocat.com


Sources : CA de TOULOUSE, 21 janvier 2025 - N° R.G. : 24/00046

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