Dans un arrêt du 30 septembre 2025, la Cour d’Appel de Fort-de-France donne droit à notre cliente et annule la totalité d’un redressement URSSAF en se fondant sur un nouveau type de vice de procédure : l’absence de réponse à une demande d’entretien (CA Fort-de-France, 30 septembre 2025, n° 24/00047).

Un principe qui vient du CRPA

Cela fait maintenant des années que notre cabinet milite pour une application du Code des Relations entre le Public et l’Administration dans les relations avec l’URSSAF. En effet, l’article L. 100-3 dudit code prévoit que :

« Au sens du présent code et sauf disposition contraire de celui-ci, on entend par : 1° Administration : (…) les organismes et personnes (…) de droit privé chargés d'une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale ».

Qui plus est, l’article L 115-3 code de la sécurité sociale confirme bien que l’article L. 122-1 du CRPA est applicable :

« sont fixées par le titre Ier du livre II du code des relations entre le public et l'administration [dont l’article L. 211-2 du CRPA] les conditions dans lesquelles les organismes de sécurité sociale doivent faire connaître les motifs de leurs décisions individuelles ».

Or, au sein de ce code, l’article L. 122-1 du Code des relations entre le public et l’administration dispose que :

« Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'administration n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique ».

Quant au champ d’application de l’article L. 122-1, le code précise qu’il se confond avec celui de l’article L. 211-2 c’est-à-dire qu’il concerne les « décisions administratives individuelles défavorables ».

En résumé, le CRPA prévoit que pour toute « décision administrative individuelle défavorable », ne peut intervenir sans que la personne intéressée a été mise à même de présenter, sur sa demande, des observations orales. Et ce principe est bien sur applicable dans le cadre du contrôle URSSAF.

Une interprétation stricte par le Conseil d’Etat

Face à ce principe, se pose la question : quelle est la sanction de la méconnaissance de ce principe, c’est-à-dire lorsqu’avant l’intervention de la décision, l’administré, le cotisant, demande à être entendu mais que cette demande n’est pas acceptée par la partie adverse ?

La réponse du Conseil d’Etat est aussi claire que brutale. Il juge que ces dispositions :

« font obligation à l'autorité administrative de faire droit, en principe, aux demandes d'audition formées par les personnes intéressées en vue de présenter des observations orales, alors même qu'elles auraient déjà présenté des observations écrites. Ce n'est que dans le cas où une telle demande revêtirait un caractère abusif qu'elle peut être écartée » (CE, 3 avril 2002, n° 232628, A ; solution constamment appliquée depuis, v. par exemple : CE, 12 juin 2023, n° 465241, B ; ou encore récemment : CE, 31 juillet 2025, n° 498089, C).

De plus et bien évidemment, la méconnaissance de ce principe entraîne l’annulation de la décision prise à l’issue de cette procédure irrégulière.

Par exemple, et justement en matière de sécurité sociale, le Tribunal administratif de Melun a jugé que :

« En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 21 octobre 2021, le directeur de la caisse d'allocations familiales du Val-de-Marne, d'une part, a fait savoir à l'association requérante qu'il envisageait de réviser le montant de la prestation de service unique qu'elle avait perçue au titre de l'année 2019 avec un trop-perçu estimatif de 205 841, 71 euros et, d'autre part, l'a invitée à apporter des observations dans un délai d'un mois, dans le cadre d'une procédure contradictoire. L'association Gan Pardess Hanna a, par un courriel du 8 octobre 2021, indiqué au contrôleur de la caisse d'allocations familiales du Val-de-Marne qu'elle souhaitait " dans le cadre du contradictoire échanger avec [elle] à l'occasion d'un rendez-vous physique " et lui a demandé de fixer un rendez-vous à une date qui lui convenait, du lundi au jeudi de 9 heures à 19 heures à compter du 14 octobre 2021. Dans ces conditions, et contrairement à ce que fait valoir la caisse en défense, l'association requérante doit être regardée comme ayant demandé de pouvoir présenter des observations orales sur la révision de la subvention envisagée par ladite caisse. Il est en outre constant que cette demande n'a pas été acceptée par la caisse d'allocations familiales. Dans ces conditions, et alors qu'il ressort de l'ensemble des circonstances de l'espèce que l'association requérante a été effectivement privée de cette garantie, celle-ci est fondée à soutenir que la décision contestée est entachée d'une irrégularité de nature à entraîner l'annulation » (TA Melun, 13 février 2025, n° 2204142).

 

La transposition de ce principe en matière URSSAF

Depuis l’arrêt de la CA de Fort-de-France, le principe est désormais le même en matière de contrôle URSSAF, puisque la Cour a jugé que :

« la SARL X, a justifié avoir effectué une demande de renseignements dans les délais afin de présenter des observations à laquelle l’organisme ne donnera pas suite. Il a été rappelé précédemment que le courrier du 28 septembre 2022, produit en cause d’appel avait été adressé et réceptionné par la CGSS. Par conséquent, sauf à considérer que la demande du 28 septembre 2022 est une demande d’audition abusive, ce que ne démontre pas la caisse, la cour constate qu’en refusant d’apporter des explications à l’intimée en se contentant d’indiquer que « cela n’était pas possible » sans d’avantage d’explication, le principe de l’article L 122-1 du CRPA n’a pas été respecté. Par infirmation du jugement et pour absence de réponse à une demande d’observation, et considérant que la décision défavorable de refus d’apporter des explications touche aux libertés, la cour annule la procédure de contrôle et de redressement. » (Fort de France. Chambre sociale. 30 septembre 2025. RG n° 24/00047).

Un magnifique et inédit arrêt, sur défense du cabinet, qui renforce considérablement les droits des cotisants dans le cadre du contrôle URSSAF.