Unité de méthanisation, vers une lecture plus souple des règlements des PLU ?

 

Dans un arrêt du 17 janvier 2024, n°467072, le Conseil d’Etat censure l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Rennes qui avait suspendu l’arrêté du préfet d’Ille-et-Vilaine autorisant la réalisation d’une unité de méthanisation.

Ce faisant, la haute juridiction administrative apporte des précisions importantes sur l’interprétation des lexiques des plans locaux d’urbanisme et sur l’appréciation de l’urgence en matière de référé suspension.

 

1-

Le Conseil d’Etat  censure le juge des référés en ces termes :

« 6. Il ressort des énonciations de l’ordonnance attaquée que, pour apprécier si le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article A 3.2.1 du règlement du plan local d’urbanisme de la commune était de nature à créer un doute sérieux, le juge des référés du tribunal administratif a relevé que la circonstance que la méthanisation puisse être assimilée à une activité agricole au sens des dispositions des articles L. 311-1 et D. 311-18 du code rural et de la pêche maritime était sans incidence sur la légalité du permis de construire litigieux, délivré en application de la législation sur l’urbanisme. En statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait, afin de déterminer si le projet litigieux pouvait bénéficier de l’exception aux règles de recul prévue à l’article A 3.2.1 du règlement du plan local d’urbanisme, de rechercher si le projet d’unité de méthanisation en cause pouvait être regardé comme une activité agricole au regard de la définition qu’en donne le lexique du règlement du plan local d’urbanisme de la commune de Bourg-des-Comptes, éclairée par les dispositions du code rural et de la pêche maritime citées au point 5, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a commis une erreur de droit. »

 

Par conséquent, le Conseil d’État estime qu’il appartient au service instructeur, puis ensuite au juge, d’interpréter le lexique du règlement du PLU à la lumière des dispositions du code rural, lesquels affirment que les unités de méthanisation sont bien des activités agricoles.

Ce faisant, le Conseil d’État permet un assouplissement, au profit de l’activité de méthanisation, des dispositions des lexiques des PLU qui seraient imprécises, ou trop exclusives, dans la définition de la notion d’activité agricole.

 

2-

Un second apport, tout aussi important de cette décision, et le rejet par le conseil d’État de la condition d’urgence à suspendre le permis de construire.

En effet, la saisine du juge des référés du tribunal administratif suppose qu’il existe une urgence à suspendre les effets de l’autorisation d’urbanisme.

En application de l’article L. 600-3 du code de l’urbanisme, cette urgence est en principe présumée s’agissant des permis de construire.

Cependant, le Conseil d’État l’a écarté en l’espèce, en raison des mesures prises par le pétitionnaire mais également des conséquences d’une suspension sur l’exploitant et de l’atteinte aux objectifs d’intérêt général de développement de la production d’énergies renouvelables. Le Conseil d’État l’expose ainsi :

« 11. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la société pétitionnaire a prévu de mettre en œuvre de nombreuses mesures de maîtrise des risques qui ne permettent pas de regarder comme établis les troubles et nuisances allégués par les requérants, et que la suspension de l’exécution du permis litigieux est susceptible de conduire à l’interruption du projet en affectant sa viabilité économique et le déblocage des prêts bancaires nécessaires à sa réalisation, alors même qu’il répond à un motif d’intérêt général d’une part en contribuant à l’atteinte de plusieurs objectifs locaux, nationaux et européens de développement de la production d’énergies renouvelables, notamment de biogaz, et d’autre part en contribuant à un objectif d’intérêt environnemental par l’amélioration du traitement des déchets issus des exploitations agricoles. »

 

Il est donc indispensable que les porteurs de projets fassent preuve d’une grande pédagogie dans leur demande d’autorisation d’urbanisme, concernant les garanties la mise en œuvre pour assurer la sécurité du projet et en limiter les nuisances. Mais également, qu’ils soient tout autant précis lors de l’audience, afin d’expliquer au tribunal que toutes les garanties ont été prises pour assurer la sécurité la salubrité du projet, ainsi que l’impact d’une éventuelle suspension du projet sur l’activité de l’exploitant et les objectifs d’intérêt général de production d’énergies renouvelables.

Ronan Blanquet

Avocat

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