Procédure collective : sur les conséquences du défaut de revendication d’un bien par son propriétaire dans le délai prévu par la loi
(Cass. Com., 3 avril 2019, n°18-11247)
Il existe de multiples situations dans lesquelles une entreprise se trouve en possession de biens mobiliers qui appartiennent à un tiers (contrat de location, crédit-bail, dépôt, vente avec clause de réserve de propriété, etc.).
Lorsque le possesseur du bien est placé en sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaires, l’article L.624-9 du Code de Commerce prévoit que « la revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de 3 mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure ».
Le propriétaire d’un bien détenu par un tiers contre lequel une procédure collective est ouverte doit donc revendiquer son bien dans les 3 mois qui suivent la publication du jugement d’ouverture.
Les conséquences d’un défaut de revendication d’un bien par son propriétaire dans le délai légal sont lourdes : son droit de propriété est en effet inopposable à la procédure collective.
Dans un arrêt du 23 novembre 2017, la Cour d’Appel de Douai a été amenée à statuer sur la situation d’un propriétaire qui avait donné une pelle hydraulique en location à son client, lequel avait été placé en redressement puis en liquidation judiciaires. Le propriétaire n’avait pas exercé d’action en revendication dans le délai légal.
Pendant le cours de la procédure collective, la pelle hydraulique avait subi un sinistre et se trouvait immergée dans un étang. Le propriétaire avait alors fait procéder à l’enlèvement de la pelle hydraulique de l’étang et en avait repris possession.
Le liquidateur avait mis le propriétaire en demeure de lui restituer la pelle pour qu’elle fasse l’objet d‘une adjudication par un commissaire-priseur. Le propriétaire n’ayant pas déféré à cette mise en demeure, le liquidateur l’avait assigné à cette fin.
La Cour d’Appel de Douai avait alors jugé que l’application de l’article L.624-9 du Code de commerce constituait une ingérence disproportionnée dans le droit de propriété du propriétaire dans la mesure où celui-ci se retrouverait définitivement privé du droit de jouir et de disposer de son bien par la réalisation des actifs au stade de la liquidation. Elle avait par ailleurs relevé que le liquidateur n’avait fait aucune démarche pour extraire la pelle hydraulique de l’étang et la réparer dans la suite du sinistre qu’elle avait subi. Enfin, elle avait noté que la pelle hydraulique n’avait pas été mentionnée par le débiteur dans l’inventaire de ses biens prévu par les textes.
Par conséquent, la Cour d’Appel avait considéré que le propriétaire avait pu valablement reprendre possession de son bien, écarté l’application de l’article L.624-9 du Code de commerce au litige et rejeté la demande de restitution de la pelle hydraulique formulée par le liquidateur.
Le liquidateur judiciaire a formé un pourvoi contre cette décision.
Dans son arrêt du 3 avril 2019 publié au bulletin, la Cour de Cassation casse l’arrêt la Cour d’Appel au visa d’un attendu de principe qui mérite d’être intégralement reproduit :
« Attendu que la sanction de l’absence de revendication par le propriétaire d’un bien dans le délai prévu par l’article L.624-9 du code de commerce ne consiste pas à transférer ce bien non revendiqué dans le patrimoine du débiteur mais à rendre le droit de propriété sur ce bien inopposable à la procédure collective, ce qui a pour effet d’affecter le bien au gage commun des créanciers, permettant ainsi en tant que de besoin, sa réalisation au profit de leur collectivité ou son utilisation en vue du redressement de l’entreprise, afin d’assurer la poursuite de l’activité, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif ; que s’il en résulte une restriction aux conditions d’exercice du droit de propriété de celui qui s’est abstenu de revendiquer son bien, cette atteinte est prévue par la loi et se justifie par un motif d’intérêt général, dès lors que l’encadrement de la revendication a pour but de déterminer rapidement et avec certitude les actifs susceptibles d’être appréhendés par la procédure collective afin qu’il soit statué, dans un délai raisonnable, sur l’issue de celle-ci dans l’intérêt de tous ; que ne constitue pas, en conséquence, une charge excessive pour le propriétaire l’obligation de se plier à la discipline collective générale inhérente à toute procédure de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaires, en faisant connaître sa position quant au sort de son bien, dans les conditions prévues par la loi et en jouissant des garanties procédurales qu’elle lui assure quant à la possibilité d’agir en revendication dans un délai de forclusion de courte durée mais qui ne court pas contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir. »
La Cour de Cassation rappelle donc, dans cet arrêt, l’extrême rigueur de la sanction attachée au défaut de revendication d’un bien par son propriétaire dans le délai légal et la gravité de ses conséquences : le bien est affecté au gage commun des créanciers ; il peut, en tant que de besoin, être réalisé au profit de la collectivité des créanciers ou utilisé en vue du redressement de l’entreprise, afin d’assurer la poursuite de l’activité, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif.
Autrement dit, le propriétaire ne pourra reprendre son bien, à l’issue de la procédure collective, que si l’apurement du passif est réalisé par d’autres moyens que la vente de son bien au profit de la collectivité des créanciers.
Pour protéger son droit de propriété, le propriétaire d’un bien détenu par une entreprise placée en sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaires doit donc impérativement procéder à une action en revendication de son bien dans le délai légal.
La réactivité est d’autant plus nécessaire en la matière que l’exercice de l’action en revendication nécessite souvent des mesures d’urgence préalables, à fins de preuve, destinées à assurer l’effectivité de l’action en revendication.
Maître Adeline SABOURET-MENAN vous conseille et vous assiste, en demande ou en défense, dans le cadre des actions en revendication.
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