A l’heure où la pandémie liée au Covid-19 impacte l’ensemble des acteurs économiques et où les employeurs ont massivement recours au dispositif de l’activité partielle, la question de l’obligation d’exclusivité et de loyauté du salarié pendant la suspension de son contrat de travail se pose, ce d’autant plus que certains secteurs appellent ces salariés « inoccupés » en renfort sur leurs structures.
La clause d’exclusivité est une clause incontournable, voire « type », des contrats de travail. Elle doit toutefois être utilisée et appliquée avec précaution dans la mesure où elle porte atteinte à la liberté du travail. Ainsi, elle n’est valable que si elle est :
- Indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise ;
- Justifiée par la nature de la tâche à accomplir ;
- Proportionnée au but recherché[1].
Par exemple, est illicite une clause d’exclusivité imposée à un mécanicien dont le métier ne nécessite pas une implication personnelle exclusive de toute autre activité[2] ou encore à un salarié technico-commercial dont les tâches sont purement techniques[3].
Au surplus, la clause d’exclusivité est inopposable aux salariés à temps partiel et ne peut empêcher les salariés d’exercer une activité bénévole en parallèle, dès lors que celle-ci n’a pas d’influence préjudiciable pour l’employeur[4].
Ainsi, avant d’insérer une clause d’exclusivité dans un contrat de travail, ou d’envisager une sanction, il est indispensable de vérifier l’importance des tâches effectuées par le salarié ou sa connaissance éventuelle d’informations confidentielles de la Société.
En présence d’une clause valable, le salarié qui n’en respecte pas les termes peut faire l’objet d’une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement en fonction du degré de gravité des manquements constatés.
La suspension du contrat de travail, comme par exemple pendant un arrêt de travail ou une période d’activité partielle, libère le salarié de ses principales obligations contractuelles, à l’exception de son obligation générale de loyauté, qui est plus large que l’obligation d’exclusivité puisqu’elle couvre, par exemple, l’interdiction de divulguer des informations confidentielles. Mais l’exercice d’une activité professionnelle pendant la suspension du contrat de travail constitue-t-elle un manquement à l’obligation de loyauté ?
La Cour de Cassation s’est prononcée encore récemment dans un arrêt du 26 février 2020 sur ce point : l’exercice d’une activité non concurrente pendant une suspension du contrat de travail ne cause pas à l’employeur un préjudice justifiant un licenciement pour faute grave du salarié du fait d’un manquement à son obligation de loyauté[5].
D’ailleurs, la Cour de Cassation précise que ce préjudice ne saurait résulter du seul paiement par l'employeur, en conséquence de l'arrêt de travail, du complément de salaire aux IJSS.
Par conséquent, il apparaît que les salariés actuellement soumis au dispositif d’activité partielle et dont le contrat de travail est suspendu puissent répondre aux différentes offres d’emploi, notamment dans le secteur de l’agriculture, pour renforcer les équipes de travail, sans qu’un manquement à leur obligation d’exclusivité ou de loyauté ne puisse leur être opposé, sous réserve de l’exercice d’une activité éventuellement concurrente et d’une appréciation au cas par cas.
N’hésitez pas à me contacter pour toute information complémentaire sur ce sujet.
[1] Cass. Soc. 11 juillet 2000, n°98-40.143, 98-43.240, 98-43.945, 98-41.486
[2] CA Dijon, 19 décembre 2006, n°06-646
[3] CA Paris 1er septembre 2003, n°01-36335
[4] Cass. Soc. 15 novembre 1984, n°82-41.596
[5] Cass. Soc. 4 juin 2002, n°00-40.894 ; Cass. Soc. 11 juin 2003, n°02-42.818, Cass. Soc. 21 novembre 2018, n°16-28.513 ; Cass. Soc. 26 février 2020, n°18-10.017
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