Le droit de la famille est censé être le sanctuaire de la protection humaine. Il devrait être le lieu où s’exprime la solidarité, la dignité et la justice au cœur même du lien social.

Pourtant, aujourd’hui, il est devenu un champ de contradictions, où les principes fondamentaux du droit sont trop souvent trahis par la réalité judiciaire.


Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, une fiction juridique ?

L’article 371-1 du Code civil énonce que « l’autorité parentale appartient aux père et mère pour protéger l’enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité » et que « l’intérêt de l’enfant doit guider les décisions ». Mais dans les faits, combien de décisions tiennent réellement compte de la parole de l’enfant ?

La Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), ratifiée par la France (art. 3 et 12), impose pourtant d’écouter l’enfant capable de discernement. Et malgré cela, des milliers de jugements sont rendus chaque année sans qu’aucune audition ne soit organisée, parfois au nom de la « préservation de l’équilibre familial ».

➡️ Résultat : l’intérêt supérieur de l’enfant devient une incantation vide, utilisée pour justifier tout et son contraire.


Un déni du droit au procès équitable

L’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) garantit à chacun le droit à un procès équitable. Mais comment parler d’équité quand une audience familiale est expédiée en vingt minutes, sans confrontation réelle, dans des juridictions où un juge aux affaires familiales doit traiter plusieurs centaines de dossiers par mois ?

La Cour européenne des droits de l’homme (arrêt Elsholz c. Allemagne, 2000) a pourtant rappelé que « l’absence d’audition effective d’un parent dans une procédure familiale peut constituer une violation du droit au procès équitable ». Pourtant, cette dérive devient la norme dans nos tribunaux saturés.


Des principes constitutionnels fragilisés

La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, intégrée au bloc de constitutionnalité, garantit dans son article 16 que « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée n’a point de Constitution ».

Or, que dire d’un système qui laisse des parents attendre plus d’un an pour une décision sur la garde de leurs enfants ? Que dire d’une justice familiale qui ne peut plus garantir ni délai raisonnable, ni égalité réelle entre les parties ?

C’est l’État de droit lui-même qui vacille, quand les principes constitutionnels sont sacrifiés sur l’autel du manque de moyens.


Quand la famille devient un dossier administratif

Le droit de la famille s’est peu à peu déshumanisé. Là où le juge devrait être un arbitre des équilibres familiaux, il devient un gestionnaire de flux. Le Conseil constitutionnel a pourtant rappelé que la protection de la famille est un principe à valeur constitutionnelle (décision n° 93-325 DC du 13 août 1993).

Mais dans la pratique, les familles ne sont plus protégées. Elles sont traitées. Et quand la justice traite au lieu d’écouter, elle cesse d’être juste.


Appel à une refondation du droit de la famille

Le droit de la famille n’a pas besoin de réformes symboliques. Il a besoin d’une révolution juridique et humaine :

  • une réelle écoute des enfants ;

  • des délais judiciaires dignes d’un État de droit ;

  • une parité effective dans les décisions parentales ;

  • une justice rendue par des magistrats spécialisés, formés, et disponibles.

Parce qu’avant d’être une affaire de procédure, le droit de la famille est une affaire de vie. Et la justice qui touche à la famille touche au cœur même de la société.